Zoom par Patrick Adler
Le Cid
A l’Artistic Athévains
Entre l'Eros/Thanatos grec, la vendetta Corse et les hidalgos Espagnols, c'est un bain méditerranéen qui nous est offert pour ce Cid que nous redécouvrons avec bonheur dans une mise en scène originale et chic.
« Hénaurme ! » eût écrit Flaubert.
« Hénaurme ! » eût écrit Flaubert.
S'attaquer aux classiques tout en respectant le texte et l'esprit de l'auteur, éviter l'écueil de la comparaison - on a forcément en tête Gérard Philipe - se démarquer du conventionnel, du déjà vu, surprendre les jeunes générations qui découvrent en trainant les pieds les « œuvres obligées du répertoire », utiliser tous les ressorts techniques modernes (montages-vidéo, bande-son, travail précis sur les éclairages et la scénographie), apporter du mouvement (duels à l'épée), de la fantaisie (l'enfant-Prince figuré en marionnette est une divine trouvaille) ... voilà bien des défis que la malicieuse et inventive Frédérique Lazzarini n'a pas hésité à relever.
Exit l'extravagance des décors, le monumental des objets du « Barbe-Bleue » de Amélie Nothomb, son dernier succès. Place cette fois à l'épure chic : le plateau du Cid apparait presque nu, comme un échiquier sans cases, tout juste rappelé par la version miniature du jeu adjoint au trône du Roi. Sobre et froid, presque moiré, ce sol qui permet une variation infinie d'effets par ses reflets laisse libre champ au jeu puisqu'il est épuré - quelques meubles épars, deux ou trois sièges, une baignoire pour les bains cathartiques, un cercueil, des chandelles... - . C'est là que tout se joue, mais aussi dans la salle, en haut des cintres, en costumes d'époque. Vous l'aurez compris, on est au théâtre, mais pas n'importe lequel. On est dans ce théâtre exalté, ce théâtre des sentiments, ce théâtre du jeu où, entre suspens, action, morale, on nous raconte une histoire chevaleresque avec ses codes de l'honneur, ses rites initiatiques mais aussi l'apprentissage de la vie. Comment ne pas voir le passage de l'adolescence à l'âge adulte chez Rodrigue, les prémisses du féminisme chez Chimène quand elle défie le patriarcat et assume tout autant sa flamme pour l'assassin de son père.
C'est du grand et du beau théâtre avec sa violence figurée par ces tableaux de couleurs qui envahissent plateau et écrans, cette musique espagnole envoutante. Tous ces beaux artifices, ce bel habillage sonore subliment le texte. Alors, comme une madeleine, tout nous revient en mémoire et bien que nous connaissions l'issue de l'histoire, nous nous laissons porter par la joute verbale des anciens, les duels, la fougue de Rodrigue, la douleur de Chimène, la passivité erratique du Roi. Nous vivons pleinement l'histoire car le rythme est soutenu. Pas de temps mort. Entre action sur scène et vérité du jeu, nous ne pouvons qu'adhérer à ce Classique dépoussiéré et surtout magnifié. Rodrigue a bien du cœur et le « Va, je ne te hais point » de la pièce sied magnifiquement à Frédérique Lazzarini qui, une fois encore, par sa direction d'acteurs et sa scénographie sait surprendre et fédérer. Courez voir ce classique en famille. Buvez ses paroles. Ce Cid-là ...n'est pas bouché !
Exit l'extravagance des décors, le monumental des objets du « Barbe-Bleue » de Amélie Nothomb, son dernier succès. Place cette fois à l'épure chic : le plateau du Cid apparait presque nu, comme un échiquier sans cases, tout juste rappelé par la version miniature du jeu adjoint au trône du Roi. Sobre et froid, presque moiré, ce sol qui permet une variation infinie d'effets par ses reflets laisse libre champ au jeu puisqu'il est épuré - quelques meubles épars, deux ou trois sièges, une baignoire pour les bains cathartiques, un cercueil, des chandelles... - . C'est là que tout se joue, mais aussi dans la salle, en haut des cintres, en costumes d'époque. Vous l'aurez compris, on est au théâtre, mais pas n'importe lequel. On est dans ce théâtre exalté, ce théâtre des sentiments, ce théâtre du jeu où, entre suspens, action, morale, on nous raconte une histoire chevaleresque avec ses codes de l'honneur, ses rites initiatiques mais aussi l'apprentissage de la vie. Comment ne pas voir le passage de l'adolescence à l'âge adulte chez Rodrigue, les prémisses du féminisme chez Chimène quand elle défie le patriarcat et assume tout autant sa flamme pour l'assassin de son père.
C'est du grand et du beau théâtre avec sa violence figurée par ces tableaux de couleurs qui envahissent plateau et écrans, cette musique espagnole envoutante. Tous ces beaux artifices, ce bel habillage sonore subliment le texte. Alors, comme une madeleine, tout nous revient en mémoire et bien que nous connaissions l'issue de l'histoire, nous nous laissons porter par la joute verbale des anciens, les duels, la fougue de Rodrigue, la douleur de Chimène, la passivité erratique du Roi. Nous vivons pleinement l'histoire car le rythme est soutenu. Pas de temps mort. Entre action sur scène et vérité du jeu, nous ne pouvons qu'adhérer à ce Classique dépoussiéré et surtout magnifié. Rodrigue a bien du cœur et le « Va, je ne te hais point » de la pièce sied magnifiquement à Frédérique Lazzarini qui, une fois encore, par sa direction d'acteurs et sa scénographie sait surprendre et fédérer. Courez voir ce classique en famille. Buvez ses paroles. Ce Cid-là ...n'est pas bouché !
Paru le 02/02/2024
(74 notes) ARTISTIC THÉÂTRE (L') Du lundi 29 janvier au lundi 9 décembre 2024
COMÉDIE DRAMATIQUE RÉPERTOIRE CLASSIQUE. Chimène aime Rodrigue et Rodrigue aime Chimène… jusqu’à ce que cet amour ne devienne impossible au regard de l’honneur et que ne s’insinue dans leurs jeunes âmes ce dilemme insondable.
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