La mise en scène de Thierry Harcourt, une épure chic (deux chaises, deux tabourets, quelques lumières, une bande-son moderne qui ponctue les séquences) offre un espace de jeu formidable à ces deux comédiens chevronnés qui se délectent à illustrer la solitude en convoquant, au crépuscule de leur vie, des invités imaginaires à une « conférence ». Le mari, un brave homme au sobriquet tendre de « mon chou » exhorte son épouse (dite « ma choute ») à rapporter encore et toujours des chaises pour l'événement. Vite débordée face à l'accumulation des invités, elle ne cesse de répéter « Qui sont ces gens ? », tout en portant des chaises imaginaires encombrantes face à un plateau vide, ce qui accentue l'absurde et le ridicule de la situation. Ce pourrait être un Alzheimer théâtral avec la poésie, la tendresse du désespoir des dernières heures à vivre. On suit, à la fois amusés et perplexes, cette mise en abime des deux personnages, aussi attachants que drôles.

Il fallait deux comédiens d'exception pour camper avec autant d'intelligence de jeu toutes ces variations. Cette douce folie en Absurdie est irrésistible de drôlerie et de tendresse. C'est déjà l'un des gros succès du Lucernaire, surtout à un horaire si singulier : 18h30 !
Après le succès déjà annoncé de « Pauvre Bitos » au théâtre Hébertot et bientôt celui de « Naïs » au Lucernaire, ne serait-ce pas l'année Harcourt ?
On s'en réjouit. Tant de talent nous oblige !