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D.R.
Spécial Avignon par Patrick Adler
Je m’appelle Georges
Au Théâtre Actuel

Non, ce n'est ni une parodie ni un relooking du titre-phare de Michelle Torr "Je m'appelle Michelle". Quand on connait Gilles Dyrek, ses voyages réguliers en Absurdie et son sens inégalé de la surprise, émaillée comme toujours de loufoqueries qui stimulent les zygomatiques, on se régale déjà. Bingo ! Ce nouvel opus est une merveille de drôlerie !
L'exercice est difficile. Comment "pitcher" une pièce à tiroirs - comme le décor - où les diables, qui sortent de partout, se situent dans les détails. Dans ce bureau en "open space" où, en bonne logique, tout est ouvert, le "Club des Cinq" nouvelle formule va de tics en tocs. Tout est répétition, obsession, tout s'amplifie à l'envi. Comme sur les panneaux en vis-à-vis transformés en écrans ou, d'un trait fin à la Sempé apparaissent à vitesse accélérée les résidences autour de Georges. Toutes portent le prénom de ses exs.
Toutes ? Non. Car une nouvelle prénommée Emilie vient d'apparaître qui participe à son obsession. "La Résidence des écrivains", elle, réveille en Etienne l'écrivaillon des velléités d'auteur - il va même scénariser l'histoire - quand son collègue, au prénom déjà composé s'aperçoit que ses exs à lui portent un prénom "neutre" (Claude, Dominique...), ce qui l'interroge désormais sur ses inclinations sexuelles. Katia, elle, doit affronter le parallèle avec l'ouragan éponyme, ce qui contrarie sa nature, si douce, si enjouée. Enfin, à ce qu'elle dit.

Pendant une heure trente se posent, vous l'aurez compris, des questions existentielles à partir du prénom : du grec Guido Maupassant à Sigmund qui doit consulter en passant par l'inconnue de 18h24 (clin d'œil au sublime "Retour de Richard 3..."), ces destins croisés où l'on se perd avec bonheur entre changements de personnages, sirtakis poussés, apparitions christiques, chants choraux, courses-poursuites et comédie romantique, nous les suivons comme aimantés, éberlués, époustouflés par tant d'efficacité car, sans tomber dans les remerciements des cérémonies officielles tout est à saluer : le texte, bien sûr, mais aussi la mise en scène rythmée, inventive en diable - on a l'impression d'être dans une BD animée -, drôle à souhait. Elle est signée Éric Bu.
Saluons également la distribution : le sémillant Gregori Baquet, le lunaire Etienne Launay, la délicieusement givrée Marine Dusehu, le toujours surprenant Stéphane Roux et, last but not least, Mélanie Page, au top de sa forme - elle a parfois de faux airs de Karin Viard -, d'une incroyable justesse et retenue.

C'est la chronique d'un succès annoncé et, pour finir, comme j'ai commencé par la chanson, "Y a quelqu'un qui m'a dit..." que les réservations vont déjà bon train. Alors, courez les applaudir !
Paru le 03/07/2024