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D.R.
Spécial Avignon par Patrick Adler
Ita L., née Goldfeld
À l’Oriflamme

C'est peut-être parce que la pièce est tirée d'une histoire vraie qu'elle est bouleversante. Peut-être aussi qu'elle résonne davantage aujourd'hui dans le climat délétère où nous vivons. En tout cas, c'est un petit bijou dans l'écrin "Oriflamme".
Se dire qu'elle va peut-être vivre sa dernière heure... Elle, c'est Ita L., née Goldfeld, sommée de quitter son petit appartement, son antre à souvenirs. Toute menue, avec ce reste de coquetterie des dames de bonne éducation, elle fait face aux événements, s'interroge sur l'avenir, se projette dans le meilleur - retrouver son fils - comme dans le pire. Elle sait les choses, elle sait les dire, même si sa pudeur et sa douceur naturelles les atténuent. Elle a entendu les rafles, les voisins délogés brutalement, elle devine même les dénonciations mais le monde est-il si cruel ? Elle s'interroge et, avec une poétique mélancolie, elle déroule le fil de sa vie : Odessa, son arrivée en France, son défunt mari et ses enfants.
Ah, ses enfants ! Ita est une "mère juive" par excellence : aimante, enveloppante, inquiète. Les enfants, c'est toute sa vie, elle leur a tant transmis, elle vit par et en eux, ils sont son dernier souffle de vie. C'est à eux qu'elle s'adresse une heure durant. Eux qui vont rester. Ou pas. Car tout est incertain. Comme l'arrivée des policiers qui l'attendent. Reviendront-ils, se demande-t-elle. Peut-être même qu'elle n'est convoquée que pour des formalités administratives. Elle veut y croire. Un peu. Beaucoup. Passionnément. Comme la marguerite... qui s'effeuille quand on vient frapper à la porte. La valise à la main, digne jusqu'au bout, avec ce sourire triste des condamnées, elle quitte la scène de la vie avec élégance. Elle va prendre le train. Pour où ?

Présentée il y a dix ans au Théâtre du Petit Saint-Martin par Hélène Vincent, la pièce avait alors fait grand bruit. Reprise aujourd'hui par Françoise Nahon, dont la sobriété et la puissance de jeu ne peuvent qu'émouvoir, on se plait à penser que la pièce est utile. Une fois de plus. Et même plus que jamais. Au nom de la Mémoire collective. Merci à Eric Zanettacci d'avoir répondu à l'appel de Patrick Zard et Julien Cafaro, Directeurs de l'Oriflamme qui ont eu l'intuition d'inscrire cette pièce majeure dans leur programmation. À voir. Absolument.


À L'Oriflamme à 17h30
3-5 rue, Portail Matheron
84000 Avignon
Plus d'informations : www.femmesenscenes.com/
Paru le 12/07/2024