Spécial Avignon par Patrick Adler
Les enfants du diable
A l’Oriflamme
Si les histoires d'amour finissent mal, en général, les histoires de famille peuvent, elles, connaître une renaissance. Dans cette séquence à la fois brutale et sensible, par le jeu bouleversant de l'autrice - Clémence Baron - et du comédien Antoine Cafaro, nous voilà plongés chez "les enfants du diable", sobriquet donné par l'ex-dictateur Ceaucescu à ces enfants dits "irrécupérables" des orphelinats de Roumanie.
Des images d'archives en vidéo. Bouleversantes. Des enfants malingres, voire étiques, l'œil hagard, entassés comme des bestiaux, affamés, se balancent car "se balancer, c'est survivre", c'est donner du mouvement.
Devoir de mémoire pour l'autrice qui, si elle convoque la pédagogie, n'oublie pas pour autant la dramaturgie. Le metteur en scène Patrick Zard, lui, ranime les fantômes et donne vie à l'enfant défunte - une ampoule s'éclaire au -dessus d'un rocking-chair, puis s'éteint, se ranime, s'éteint à nouveau... Nikki, le frère ainé, lit une lettre qui le met en colère. Lui s'est chargé de Mirella, sa sœur autiste quand Véronika, sa cadette, a pu être sauvée par une famille française et est devenue entre-temps une vedette de la chanson. Entre l'enfer des uns et le déracinement heureux de l'autre, le ressentiment est fort. Alors, quand Véronika surgit à l'improviste vingt ans après, alors que Mirella vient d'être enterrée, la colère monte et les reproches fusent. Pourquoi ne pas avoir respecté la parole donnée à la mère de rester ensemble, quoi qu'il arrive, de faire bloc ? Nikki est dévoré par le passé et a vécu l'enfer quand Véronika irradie de bonheur. "Le passé s'effiloche, il devient plus flou mais ne disparaît pas" (sic). Pour autant, la réconciliation s'amorce, la fratrie se ressoude peu à peu. Chacun entre en résilience. Les mots apaisants de Véronika se font baumes. Son empathie, sa bienveillance éclairent le visage renfrogné de Nikki. La mue est en marche.
Sans jamais verser dans le pathos, en restant juste fidèle à la mémoire familiale - la pièce relate l'histoire de sa sœur adoptive - Clémence Baron signe là une pièce de résilience où la puissance des mots liée à l'économie de gestes offre un moment sensible et délicat. La mise en scène et la direction d'acteurs sans afféteries de Patrick Zard contribue à rendre cette séquence dramatique digeste, voire libératrice. Le rocking-chair vide de Mirella peut continuer à se balancer, l'ampoule s'allumer et s'éteindre. Mirella, l'enfant du diable est là, éternellement là. Le diable, dit-on, se cache dans les détails. Ici, l'enfant du diable est ange. La fratrie est reconstituée.
C'est bouleversant ! À tel point que d'aucuns laissent même échapper une larme à la sortie. Ces larmes de bonheur collectif sont un bain d'amour qui nous enjoint à garder foi en l'humanité. Merci à l'Oriflamme de nous offrir cette nouvelle pépite.
À L'Oriflamme à 11h30
3-5, rue Portail Matheron
84000 Avignon
Devoir de mémoire pour l'autrice qui, si elle convoque la pédagogie, n'oublie pas pour autant la dramaturgie. Le metteur en scène Patrick Zard, lui, ranime les fantômes et donne vie à l'enfant défunte - une ampoule s'éclaire au -dessus d'un rocking-chair, puis s'éteint, se ranime, s'éteint à nouveau... Nikki, le frère ainé, lit une lettre qui le met en colère. Lui s'est chargé de Mirella, sa sœur autiste quand Véronika, sa cadette, a pu être sauvée par une famille française et est devenue entre-temps une vedette de la chanson. Entre l'enfer des uns et le déracinement heureux de l'autre, le ressentiment est fort. Alors, quand Véronika surgit à l'improviste vingt ans après, alors que Mirella vient d'être enterrée, la colère monte et les reproches fusent. Pourquoi ne pas avoir respecté la parole donnée à la mère de rester ensemble, quoi qu'il arrive, de faire bloc ? Nikki est dévoré par le passé et a vécu l'enfer quand Véronika irradie de bonheur. "Le passé s'effiloche, il devient plus flou mais ne disparaît pas" (sic). Pour autant, la réconciliation s'amorce, la fratrie se ressoude peu à peu. Chacun entre en résilience. Les mots apaisants de Véronika se font baumes. Son empathie, sa bienveillance éclairent le visage renfrogné de Nikki. La mue est en marche.
Sans jamais verser dans le pathos, en restant juste fidèle à la mémoire familiale - la pièce relate l'histoire de sa sœur adoptive - Clémence Baron signe là une pièce de résilience où la puissance des mots liée à l'économie de gestes offre un moment sensible et délicat. La mise en scène et la direction d'acteurs sans afféteries de Patrick Zard contribue à rendre cette séquence dramatique digeste, voire libératrice. Le rocking-chair vide de Mirella peut continuer à se balancer, l'ampoule s'allumer et s'éteindre. Mirella, l'enfant du diable est là, éternellement là. Le diable, dit-on, se cache dans les détails. Ici, l'enfant du diable est ange. La fratrie est reconstituée.
C'est bouleversant ! À tel point que d'aucuns laissent même échapper une larme à la sortie. Ces larmes de bonheur collectif sont un bain d'amour qui nous enjoint à garder foi en l'humanité. Merci à l'Oriflamme de nous offrir cette nouvelle pépite.
À L'Oriflamme à 11h30
3-5, rue Portail Matheron
84000 Avignon
Plus d'informations : billetterie-oriflamme.mapado.com/event/333546-les-enfants-du-diable
Paru le 15/07/2024