Spécial Avignon par Patrick Adler
Les frottements du cœur
À La Scala Provence
Elle en a fait un livre. Aujourd'hui une pièce. Elle s'est entourée à la mise en scène d'un grand : Eric Bu qui, comme son nom ne l'indique pas, lui a concocté un breuvage amer et pétillant, un Spritz détonant qui ferait presque oublier qu'elle a échappé à la mort. Qui a Bu... boira !
Ce devait être une grippe. Rien de grave. Et puis le cœur a lâché. On parle alors de péricardite aigüe, de pronostic vital engagé. S'engage alors une course-poursuite de tous les instants contre la Grande Faucheuse. On lui greffe même une machine.
Seule en scène, le sourire aux lèvres, Katia Ghanty se raconte avec une distanciation qui frise l'insolence. L'insolence de la battante, de celle qui n'a pas dit son dernier mot, de celle qui se souvient car, n'ayant pas connu le coma, lui reste le souvenir, avec ce sens aigu du détail. Ce souvenir qui la sauve aujourd'hui. Elle se rappelle les sons, les odeurs, les voix, campe - avec quel brio ! - tout le personnel soignant, elle parle vite, mime, nous n'en perdons pas une miette, engagés nous aussi dans cette course folle qui la verra - espérons-le - sortir du gouffre.
Comme dans un mauvais rêve où le jargon médical (l'ECMO), l'ignorance, la solitude, l'angoisse des mots prononcés ("on va la perdre", sic) forment un brouillard épais et lourd, elle se débat avec le peu de force qui l'anime. Elle découvre les blouses blanches, bienveillantes ou détachées - c'est selon - ces chirurgiens qui donnent l'impression de vivre une journée ordinaire, ces aides-soignantes empathiques qui lui prodiguent massages et paroles douces, d'autres qui galèjent quand l'heure est grave. Elle convoque tous ses souvenirs pour être moins seule, d'autant que le règlement interdit les visites à certains horaires et que son amoureux, rongé par l'épreuve, est de peu de secours. L'essentiel est de tenir. Y arrivera-t-elle seulement ? Et même si elle en réchappe, quid du trauma post-opératoire ?
Katia Ganty nous livre, lumineuse et vraie, son histoire. Mués en témoins, nous assistons à l'épopée médicale. Certes, nous sommes émus et parfois même rions, gênés, face à un narratif aussi distancié et parfois même... drôle. Sans oublier les moments de grâce apportés par ses chorégraphies. À l'instar du rideau de tulle déployé sur scène - elle le décrochera à la fin -, elle est légère, aérienne, solaire. Elle nous offre une leçon de vie époustouflante, est puissante dans le jeu, chargé d'émotions. Une fois encore, saluons la direction d'acteurs si précise et inventive d'Eric Bu. L'habillage musical d'Agnès Imbault et Caroline Geryl participe à cette "réanimation", donne vie et sens à cette parenthèse médicale inattendue qui répond déjà à la question fondamentale : Est-ce que l'avenir existe encore ? La réponse est oui. Assurément. Tant qu'il y aura de la vie, des sourires, de la douceur, de l'humour. Tant qu'il y aura des Katia Ghanty...
À la Scala Provence à 17h35
3, rue Pourquery de Boisserin
84000 Avignon
Seule en scène, le sourire aux lèvres, Katia Ghanty se raconte avec une distanciation qui frise l'insolence. L'insolence de la battante, de celle qui n'a pas dit son dernier mot, de celle qui se souvient car, n'ayant pas connu le coma, lui reste le souvenir, avec ce sens aigu du détail. Ce souvenir qui la sauve aujourd'hui. Elle se rappelle les sons, les odeurs, les voix, campe - avec quel brio ! - tout le personnel soignant, elle parle vite, mime, nous n'en perdons pas une miette, engagés nous aussi dans cette course folle qui la verra - espérons-le - sortir du gouffre.
Comme dans un mauvais rêve où le jargon médical (l'ECMO), l'ignorance, la solitude, l'angoisse des mots prononcés ("on va la perdre", sic) forment un brouillard épais et lourd, elle se débat avec le peu de force qui l'anime. Elle découvre les blouses blanches, bienveillantes ou détachées - c'est selon - ces chirurgiens qui donnent l'impression de vivre une journée ordinaire, ces aides-soignantes empathiques qui lui prodiguent massages et paroles douces, d'autres qui galèjent quand l'heure est grave. Elle convoque tous ses souvenirs pour être moins seule, d'autant que le règlement interdit les visites à certains horaires et que son amoureux, rongé par l'épreuve, est de peu de secours. L'essentiel est de tenir. Y arrivera-t-elle seulement ? Et même si elle en réchappe, quid du trauma post-opératoire ?
Katia Ganty nous livre, lumineuse et vraie, son histoire. Mués en témoins, nous assistons à l'épopée médicale. Certes, nous sommes émus et parfois même rions, gênés, face à un narratif aussi distancié et parfois même... drôle. Sans oublier les moments de grâce apportés par ses chorégraphies. À l'instar du rideau de tulle déployé sur scène - elle le décrochera à la fin -, elle est légère, aérienne, solaire. Elle nous offre une leçon de vie époustouflante, est puissante dans le jeu, chargé d'émotions. Une fois encore, saluons la direction d'acteurs si précise et inventive d'Eric Bu. L'habillage musical d'Agnès Imbault et Caroline Geryl participe à cette "réanimation", donne vie et sens à cette parenthèse médicale inattendue qui répond déjà à la question fondamentale : Est-ce que l'avenir existe encore ? La réponse est oui. Assurément. Tant qu'il y aura de la vie, des sourires, de la douceur, de l'humour. Tant qu'il y aura des Katia Ghanty...
À la Scala Provence à 17h35
3, rue Pourquery de Boisserin
84000 Avignon
Plus d'informations : lascala-provence.fr/programmation/les-frottements-du-coeur/
Paru le 16/07/2024