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© Fanchon Bilbille
Article de Patrick Adler
L’extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt
arrive au Palais Royal. Quand même ! De là à prendre sa jambe à son cou…

Elle se présente devant le rideau, nous apostrophe d'emblée avec ironie, évoquant son rôle d'aventurière dans un Lucky Luke. Histoire de se rappeler à notre bon souvenir. Quand le rideau s'ouvre, comme un livre qu'on feuillette, elle va dérouler le fil de sa vie sans ambages, dans un décor qui va évoluer à chaque étape importante. La voix est rauque et étrange, elle fait autorité. Le ton est donné : cash, rugueux, sensible, diablement intelligent et rondement mené. Comme sa vie !
Estelle Meyer, qui se meut avec agilité dans l'incarnation de Sarah Bernhardt, a cette beauté étrange des "monstres sacrés" qui, entre diabolique et émotion, nous interpellent. Il y a du Rossy de Palma chez elle, elle est cette manière de "créature". Chez Sarah Bernhardt, il y a le verbe haut, le port altier, la détermination et l'insoumission qui ont donné une force décuplée à la gamine rétive, en mal d'affection maternelle. Elle est autant "garçon manqué" que féminine, mutine et soumise, que féministe et dominatrice. Elle aura tout traversé : la maladie (une pleurésie au départ, une jambe en moins à l'arrivée), la guerre (1870, puis celle de 14/18) la mort (ses deux sœurs, sa mère), la trahison (son premier mari, parti sans laisser d'adresse), les échecs personnels (son fils Maurice, plus prodigue que prodige, à qui elle dit : "Moi, je gagne mon argent, toi, tu perds mon argent"), la délation, l'antisémitisme, le patriarcat...

Quand même ! Elle dit et répète ce "Quand même !" en manière de défi car partout elle fait front, envers et contre tout, transformant son théâtre en hôpital, lançant des artistes, créant des styles. Elle se veut et est singulière et unique - elle dort dans un cercueil -, elle a cette manière désabusée de vivre un quotidien continuellement théâtralisé. Ses déjeuners sont un morceau d'anthologie, le factotum agitant ajoncs et plumes pour figurer la brise, le musicien mimant avec sa clarinette une mouette qui, dans un mobile, volète. L'extravagance assumée d'une femme libre comme l'air !
Cette fresque aussi riche en couleurs que rythmée, où s'invitent aussi bien le jeu que la poésie, la danse, le chant - l'ode chantée à la sœur défunte est bouleversante - où les costumes sont de toute beauté et où les comédiens comme les musiciens semblent se régaler dans cette frénésie de sons, de perruques, de postiches, est mise en lumière par la talentueuse scénographe Salma Borde et Géraldine Martineau, qui assure une mise en scène au cordeau. Cerise sur le gâteau, c'est elle qui signe également ce très bon texte où dix artistes vont endosser trente-cinq rôles durant une heure quarante-cinq.

Cette "Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt" s'inscrit avec bonheur dans un théâtre dit "populaire". Esthétique, varié, rythmé, abordable, pédagogique, c'est le théâtre "tout public" qui sied à ce lieu dirigé - vous n'allez pas le croire - par un très lointain parent de la "Divine" : Sébastien Azzoppardi ! Quand même !
Paru le 02/09/2024

(95 notes)
EXTRAORDINAIRE DESTINÉE DE SARAH BERNHARDT (L’)
THÉÂTRE DU PALAIS-ROYAL
Jusqu'au vendredi 31 janvier 2025

COMÉDIE HISTORIQUE. Sarah, celle qui dormait dans un cercueil, collectionnait les hommes et les animaux, fit un enfant avec un prince, traversa deux guerres, claqua deux fois la porte de la Comédie Française, alla jouer jusqu’au Far West… Tout cela avec extravagance, humour et un engagement sans faille, portée par s...

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