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© Fabienne Rappeneau
Dossier par Jeanne Hoffstetter
L’Extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt
au théâtre du Palais Royal

C'est un spectacle inédit et grandiose, empreint de la passion qu'elle éprouve envers son sujet et soutenue par son producteur Sébastien Azzopardi, que Géraldine Martineau se prépare à nous offrir. Rencontres au premier jour des répétitions.

Géraldine Martineau, l'auteure et metteuse en scène.

Elle écrit, joue, met en scène et fait durant quelques années l'expérience de la Comédie Française qu'elle quitte en 2023, raflant au passage quelques prix dont deux Molière, et s'apprêtant à réaliser son premier court-métrage pour France 3. Radieuse, elle semble sereine face à ce défi que représente l'aboutissement de cet hommage à Sarah Bernhardt qu'elle entend rendre à sa manière. « J'ai lu sur le conseil de mon éditrice les "Mémoires de Sarah Bernhardt". C'était extraordinaire, il y avait là tout ce que je cherchais pour déployer l'imaginaire avec un spectacle grand plateau et de nombreux comédiens. Alors, je me suis documentée énormément, j'ai écrit des scènes et tissé le fil qui m'intéressait le plus car il me fallait faire des choix dans cette vie d'une telle richesse. » Entre la femme engagée, la femme de cœur, l'artiste, l'aventurière, la féministe, entre les fantasmes et la réalité, comment travailler sans risque de se perdre, et que verrons-nous sur scène ? « J'ai privilégié ce qui me fait écho : les portes claquées, la prise de risques très récurrente dans sa vie, le féminisme (elle a été l'une des premières femmes à porter le pantalon, à jouer des rôles d'hommes, à exiger d'être payée autant que son partenaire masculin, à diriger un théâtre...). Ce qui semble normal aujourd'hui ne l'était pas à l'époque, c'est pour ça qu'on la remet sur le devant de la scène ces dernières années, à commencer par la magnifique exposition du Grand Palais, l'an passé. Du point de vue historique, j'ai privilégié des parties qui font écho à ce que l'on vit en ce moment, comme l'antisémitisme puisqu'elle était juive. J'ai aussi intégré quelques petites licences poétiques autour de son départ en Amérique et de son voyage en ballon, et nous allons interpréter quelques scènes de pièces qu'elle a jouées, comme la scène finale de "L'Aiglon". En fait, je suis contente d'avoir réussi à écrire un texte très personnel et très documenté qui demeure respectueux et totalement empreint de Sarah Bernhardt. » Un hommage ambitieux pour ce « monstre sacré » qui n'avait qu'une devise : "Quand même !" et qui n'hésitait pas à prendre quelques libertés avec la réalité. « Justement, il y avait ce rapport à la vérité chez elle et je commence comme ça : Rien n'est totalement faux, rien n'est totalement vrai, et le fil d'or de la pièce est ce "Quand même !" J'ai conçu le spectacle autour de huit comédiens et comédiennes qui interpréteront quarante rôles pour lesquels quarante costumes sur mesure sont confectionnés sur place par dix couturières. Un atelier est consacré aux décors, et j'ai intégré un travail de composition musicale pour un pianiste, une violoncelliste, un clarinettiste, ainsi que des chansons écrites et chantées par Estelle Meyer. Ce sera un spectacle grand public, exigeant, joyeux, qui nous pousse à croire en nous et sera, j'en suis convaincue, exactement à sa place dans ce théâtre magnifique ! »


Estelle Meyer joue Sarah Bernhardt


Formée au Conservatoire National de Paris, elle suit aussi un stage de formation chez Ariane Mnouchkine et travaille le chant lyrique, qu'elle mêle volontiers à ses rôles au théâtre. D'Ariane Mnouchkine à Marguerite Yourcenar, elle dit aimer les « premières de cordée qui donnent la force de se construire. » et c'est avec la passion et l'humanité qu'elle met en toutes choses qu'elle aborde ce nouveau rôle.

« On est au début du travail, quand tout est possible et qu'on se sent à la fois fragile et puissant. La montagne parait moins énorme quand on aborde le réel ! Je me sens très honorée à la fois intimidée et insolente de jouer cette femme extraordinaire, de confronter les époques, son monde et le mien. C'était quelqu'un de très droit, qui ne supportait pas l'injustice et qui était une amoureuse du théâtre, alors qu'à 14 ans elle voulait être religieuse. Son rapport à l'absolu, cette envie de s'élever me parlent complètement et si je devais la définir en quelques mots, ce serait : Liberté, extravagance, fougue, et peut-être ego car il en faut pour devenir une star mondiale ! Je vois aussi derrière comme une détresse, un besoin incommensurable d'être aimée. Je ne soupçonnais pas une telle profondeur. Et puis, elle avait aussi cette devise qui me ramène à mon adolescence quand je voulais faire péter tous les carcans face à des parents très sévères, quand j'avais besoin de pousser les murs : "quand même", je le ferai "quand même", j'y arriverai "quand même" ! Mais je n'ai pas envie de la mettre sur un piédestal, je la voudrais vivante, gourmande, vibrante, intemporelle. Je crois vraiment qu'on va se rencontrer et se plaire toutes les deux ! »


Marie-Christine Letort joue Youle, la mère de Sarah Bernhardt, ainsi que Mlle Nathalie, l'homme clown, et Abrams.


Elle joue Shakespeare, Goldoni, Molière, Dorothy Parker pour ne citer qu'eux, travaille pour France Culture et tourne pour la télévision ; mais en ce premier jour de répétitions elle ne pense à rien d'autre qu'au spectacle qui se dessine, qu'aux rôles qui sont les siens ainsi qu'à la manière de les appréhender. « De Sarah Bernhardt, je connaissais surtout la figure de légende et c'est grâce à l'exposition du Grand-Palais et à Géraldine que j'ai découvert sa vie et que je m'y suis intéressée de près. Concernant sa relation avec sa mère, j'ai été surprise par sa bienveillance malgré ses blessures, cette mère qui l'abandonne pour partir en voyage avec ses amants et qui affiche une préférence marquée pour Jeanne, sa seconde fille. La délicatesse avec laquelle elle raconte ces souvenirs me touche. J'interprète quatre rôles. Trois sont brefs mais dessinés avec force : Abrams est un grand réalisateur américain qui a tourné avec Sarah Bernhardt, "La Voyante", un film inachevé. Le clown est un personnage de fantaisie inquiétant qui est là durant la scène de bal où Sarah Bernhardt rencontre le prince de Lignes. Mademoiselle Nathalie est la tragédienne de la Comédie Française, giflée par Sarah Bernhardt qui n'acceptera jamais de lui faire des excuses. Youle, la mère a une présence importante. D'origine juive polonaise, elle vit de ses charmes auprès de messieurs fortunés, parce qu'elle aime l'argent et la liberté. Et je crois que dans une société corsetée où les femmes ont peu de place, son statut de courtisane lui permet de vivre plus librement. C'est un personnage flamboyant et très dérangeant, très dur et très intéressant. Elle élève ses filles en tenant avant tout à sa liberté. Mais c'est toujours un peu compliqué de porter un jugement sur un personnage parce qu'on le lie forcément à ce qu'on est soi-même, et à une époque qui n'est pas la même. Sans trop en dire, je crois qu'il y aura sur scène trois moments importants entre Youle et Sarah. Le premier se situe dans son salon, entourée de ses amis pour décider de l'avenir de Sarah qu'elle vient de sortir du couvent. Ce qui veut dire en faire une courtisane comme elle, pour qu'elle ait un bon train de vie. Dans le deuxième, Youle se moque de sa fille qui fait des débuts pas terribles à la Comédie Française, puis il y aura Victor Hugo... Mais je ne veux pas tout dévoiler ! Voilà, maintenant il nous reste à travailler, la Première est le 27 août ! »
Paru le 11/09/2024

(95 notes)
EXTRAORDINAIRE DESTINÉE DE SARAH BERNHARDT (L’)
THÉÂTRE DU PALAIS-ROYAL
Jusqu'au vendredi 31 janvier 2025

COMÉDIE HISTORIQUE. Sarah, celle qui dormait dans un cercueil, collectionnait les hommes et les animaux, fit un enfant avec un prince, traversa deux guerres, claqua deux fois la porte de la Comédie Française, alla jouer jusqu’au Far West… Tout cela avec extravagance, humour et un engagement sans faille, portée par s...

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