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© Bruno Perroud
Portrait par Jeanne Hoffstetter
Maxence Gaillard
et le Lucernaire

ADHEMA, holding familiale d'investissement représentée par Maxence Gaillard, le fils, comédien et producteur, est depuis mars 2024 propriétaire du Lucernaire. Changements en vue, dans la continuité.
Pour certains, le bonheur est dans le pré, mais pour le jeune homme de trente-six ans que je rencontre dans ce lieu culturel emblématique, il est ici le bonheur, je vous l'affirme. Gardons pour une autre fois la belle histoire du Lucernaire créé en 1968, et passons brièvement sur une jeunesse passée au sein d'une famille « qui valorisait le spectacle », sur des études qu'il choisit et suit sans difficultés : Sciences Po, EMLyon, ESSEC, le menant à une vie professionnelle confortable. À 27 ans il jette par-dessus les moulins son bonnet, donne sa démission et prend des cours de théâtre. « J'avais déjà une grande passion pour les mots. J'ai amorcé un virage à 180 degrés pour suivre les cours d'art dramatique de Jean-Laurent Cochet pendant deux ans ; il respirait le théâtre à chaque seconde et c'est là que j'ai compris que l'on apprend autant en regardant et en écoutant les autres qu'en travaillant. C'est lui qui m'a convaincu de poursuivre dans cette voie et cette rencontre a changé ma vie. »

Dès lors, tout s'enchaîne. En 2016, entouré de quelques amis du cours, il fonde un collectif, "Les Inspirés". Ensemble, ils écrivent, jouent et produisent "Et si on ne se mentait plus ?". Puis, c'est Benoît Lavigne, directeur du Lucernaire qui lui propose de jouer dans "Le Roi des pâquerettes". Cette année, nouveaux défis pour celui qui est aussi un grand sportif et possède un brevet de pilote, avec le rachat du Lucernaire et sa première mise en scène : "Lumière !" de Stéphane Landowski, créée à Avignon et jouée au Lucernaire de novembre à janvier.


Nous devons travailler sur des offres, pourquoi pas des « billets suspendus » ?


« Pour être honnête, en termes d'activités professionnelles, je me suis pas mal cherché, mais ADHEMA a fait que très vite je me suis intéressé à la gestion, à l'aspect entrepreneurial et culturel, et j'ai toujours eu en tête d'acheter un jour un théâtre. Le Lucernaire est un lieu non conventionné unique à Paris, avec 3 salles de cinéma Art et Essai, 3 salles de théâtre, le restaurant, le bar, la librairie et la galerie d'expositions ; alors dans cette épidémie de solitude qu'engendre le monde virtuel et qui me préoccupe beaucoup, il avait pour nous une résonnance particulière et pour moi il est le pont de manière assez évidente entre mes deux carrières. J'ai une grande conscience de mes responsabilités tant vis-à-vis de la quarantaine de personnes formidables qui travaillent ici, que des spectateurs. Donc pas question de se louper ! La vie est trop courte pour ne pas prendre le temps de faire les choses bien. » Après des travaux indispensables sur le bâtiment, effectués durant la fermeture estivale, la suite se profile. « Des aménagements sont prévus jusqu'au moins fin 2025, qui n'impliqueront pas de fermeture. Notre objectif est aussi de rendre chaque secteur encore plus autonome tout en créant une connexion entre eux à travers des thématiques croisées entre les étages. Mais notre challenge est de parvenir à trouver un équilibre économique, tout en gardant le principe d'un lieu ouvert à tous. Dans cette optique nous allons proposer aux Amis du Lucernaire de s'impliquer davantage en faisant des propositions, en les incitant à participer à la production, et nous allons travailler sur des offres. Pourquoi pas des « billets suspendus » en créant une caisse de billets prépayés par ceux qui sont attachés à nos valeurs, qui en ont les moyens, et qui seraient heureux de partager ça avec ceux qui n'en n'ont pas ? »


Il faudrait créer à terme des Lucernaire dans toutes les villes de France.


« Nous voudrions redonner une grande place aux livres, organiser des rencontres, mettre en place des tables partagées au restaurant. Tant de personnes subissent l'isolement aujourd'hui ! »
Les idées s'enchaînent et s'exposent dans la conviction et l'enthousiasme. « Vous savez qu'ici, un tiers des spectateurs aime venir regarder et acheter leur place de théâtre au guichet ! Ce qui n'est pas anodin à l'heure où tout le monde réserve sur Internet ! En allant dans ce sens, j'aimerais aussi mettre en place à l'entrée une grande armoire avec des casiers dans lesquels chacun laisserait son portable, sans que ce soit une obligation, simplement pour apprendre à se déconnecter un moment des écrans, des réseaux, certes aujourd'hui indispensables mais dont nous sommes aussi les victimes et c'est ça le paradoxe ! Voilà, et comme le dit Benoit : Nous mettons en place un beau duo de tennis pour jouer en double le mieux possible !
Après, j'ai la conviction qu'il faudrait à terme créer des Lucernaire partout en France ! »
Paru le 31/10/2024