Dans ce huis-clos où la solitude, l'incompréhension se mêlent à la violence, deux hommes que tout apparemment oppose vont s'affronter. Le hasard les a fait se rencontrer. Ils n'étaient prêts ni l'un ni l'autre à cet échange. Le plus agressif des deux - le père, veuf - déroule le fil des événements, perdu dans ce "game" où il est devenu hors-jeu. Quand le visiteur révèle sa véritable identité - que nous ne saurions spoiler car c'est tout le sel de l'histoire -, il est sonné, presque K.O. La sidération se mue en colère. La violence est là, qui s'installe, grandit. La défense de l'étranger a du mal à s'imposer. Malmené de bout en bout, il subit, prend des coups mais ne désarme pas. Dans le jeu du sac qui tour à tour se remplit et se vide, où les affaires de l'adolescent jonchant le sol expriment le désarroi d'une situation devenue inextricable, où les deux hommes construisent et déconstruisent le processus de paix, les coups de fil de la nouvelle compagne du père peuvent apparaître salvateurs. Le visiteur repartira-t-il avec le sac ? Le père, qui n'avait rien vu venir, se rend compte qu'il ne connait pas son fils et qu'il est peut-être passé à côté de l'essentiel. La blessure narcissique est là, béante. La cicatrisation prendra du temps... le temps de l'acceptation, le temps du pardon.

Charif Ghattas signe avec "Un monde possible" une ode à la tolérance. Le récit est formidablement construit, le suspense est géré avec finesse et les dialogues sont remarquables, percutants. Le tout est servi par deux remarquables comédiens (Niels Dubost et Xavier Baz). C'est au Théâtre Lepic, un lieu décidément voué aux pépites et aux succès. Bravo, mille bravos !