Article de Patrick Adler
Van Gogh : deux frères pour une vie
Au Guichet Montparnasse.
Salle archi-comble déjà pour la reprise d'un joyau théâtral qui a évité la solennité du cours ex-cathedra pour cette histoire de fratrie bouleversante dans le milieu de la peinture. Il signait "Vincent" ses tableaux, objectant que le patronyme état dur à prononcer. Théo, lui, défendait l'héritage familial. Entre le marchand d'art et l'artiste que tout ou presque opposait, il y avait cette fusion, cet amour à mort que nous découvrons par petites touches dans cet échange épistolaire fait de sensibilité et d'émotion. Il n'était pas écrit que cette grande histoire pût trouver sa place dans ce petit écrin. Mais, au Guichet Montparnasse, l'impressionnisme devient... impressionnant !
L'un est pour l'heure argenté, l'autre pas. Sur scène, d'ailleurs, pour les figurer, l'un est chaussé, l'autre pas. Mais vous les reconnaîtrez d'emblée : Vincent, c'est le roux flamboyant. Il est tempéré par Théo, le brun bienveillant. Celui-ci devra faire avec les humeurs du frère impétueux, dépressif, voire bipolaire pour reprendre la terminologie actuelle. Toujours en mouvement, jamais à court d'idée dès lors qu'une obsession lui traverse l'esprit (Vincent veut devenir pasteur, parce que "la vie, c'est ça, être près des gens" (sic) puis opte pour la solitude dans la création "je n'aime pas la compagnie des autres" (sic) tout en objectant "est-ce vivre que d'être seul ?" (sic) quand il tombe amoureux), il trouve en son frère Théo une béquille - qui s'avèrera fragile - qui toujours subviendra à ses besoins, sera indéfectiblement là, au nom de l'art, cet art qui donne du relief à chacune de leur vie, à l'artiste comme au marchand d'art.
Parce qu'il a une admiration et une confiance indestructibles en son frère, Théo sera - ironie de l'histoire - l'oreille indispensable à celui qui finira par ne plus vouloir entendre et à couper la sienne. Passant outre ses chantages affectifs réguliers, sa mélancolie grandissante, lui-même se trouve peu à peu engagé dans une spirale infernale, ne pouvant juguler la folie de celui qu'on finira par appeler "le fou roux" et qui terminera - tragiquement - ses jours à Auvers sur Oise. Seul au milieu des tableaux de celui qu'il a défendu toute sa vie mais qui ne sera reconnu qu'à titre posthume, il contemple, hébété, le legs artistique de celui dont il dira "Il était entièrement mon frère". À son enterrement, les auteurs l'ont figuré un tournesol à la main, devant le cercueil. Dernier clin d'œil à l'artiste. Histoire de le rendre singulier, unique. Les roses, les chrysanthèmes, c'est pour les autres, pas pour lui. Théo survivra six mois à Vincent. Lui aussi finira dans la folie. Incroyable destin !
À la puissance du texte, intelligent et accessible à tous, à la sobriété de la mise en scène, il faut ajouter la performance incroyable des deux comédiens (Julien Séchaud et Ghislain Geiger) qui, dans un espace aussi restreint et en soixante-quinze minutes, déroulent la vie des deux frères et les incarnent à la perfection. Ils sont là, devant nous et on y croit, on les voit : Julien-Vincent est tourmenté, violent, épuisant dans ses crises régulières de paranoïa et Ghislain-Théo de plus en plus courbé, fragile, émouvant dans son incapacité à vendre les toiles de Vincent, ce frère qu'il aura soutenu en vain et qui, au gré de ses nombreuses villégiatures, n'aura jamais su trouver sa place, faisant même fuir tout le monde, y compris son ami Gauguin.
La légende raconte que le lierre a poussé et enlace les deux tombes...
On aime les légendes, comme on aime cette évocation fine des deux frères, aussi captivante qu'émouvante. Encore une pépite signée "le guichet Montparnasse".
Parce qu'il a une admiration et une confiance indestructibles en son frère, Théo sera - ironie de l'histoire - l'oreille indispensable à celui qui finira par ne plus vouloir entendre et à couper la sienne. Passant outre ses chantages affectifs réguliers, sa mélancolie grandissante, lui-même se trouve peu à peu engagé dans une spirale infernale, ne pouvant juguler la folie de celui qu'on finira par appeler "le fou roux" et qui terminera - tragiquement - ses jours à Auvers sur Oise. Seul au milieu des tableaux de celui qu'il a défendu toute sa vie mais qui ne sera reconnu qu'à titre posthume, il contemple, hébété, le legs artistique de celui dont il dira "Il était entièrement mon frère". À son enterrement, les auteurs l'ont figuré un tournesol à la main, devant le cercueil. Dernier clin d'œil à l'artiste. Histoire de le rendre singulier, unique. Les roses, les chrysanthèmes, c'est pour les autres, pas pour lui. Théo survivra six mois à Vincent. Lui aussi finira dans la folie. Incroyable destin !
À la puissance du texte, intelligent et accessible à tous, à la sobriété de la mise en scène, il faut ajouter la performance incroyable des deux comédiens (Julien Séchaud et Ghislain Geiger) qui, dans un espace aussi restreint et en soixante-quinze minutes, déroulent la vie des deux frères et les incarnent à la perfection. Ils sont là, devant nous et on y croit, on les voit : Julien-Vincent est tourmenté, violent, épuisant dans ses crises régulières de paranoïa et Ghislain-Théo de plus en plus courbé, fragile, émouvant dans son incapacité à vendre les toiles de Vincent, ce frère qu'il aura soutenu en vain et qui, au gré de ses nombreuses villégiatures, n'aura jamais su trouver sa place, faisant même fuir tout le monde, y compris son ami Gauguin.
La légende raconte que le lierre a poussé et enlace les deux tombes...
On aime les légendes, comme on aime cette évocation fine des deux frères, aussi captivante qu'émouvante. Encore une pépite signée "le guichet Montparnasse".
Paru le 07/10/2024
(36 notes) THÉÂTRE DU GUICHET-MONTPARNASSE Jusqu'au vendredi 27 décembre
COMÉDIE DRAMATIQUE. Existe-t-il un amour aussi fort que celui qui unit ces deux frères ? Vincent, le peintre et Théo, le marchand. Pendant dix-huit années de leur vie, ils n’ont cessé de se confier l’un à l’autre, de se quereller et de se soutenir jusqu’à l’épuisement. Découvrez comment Vincent est devenu, avec l’app...
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