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© Patrick Adler
Article de Patrick Adler
Le Premier sexe
La Scala

Puisque la vérité est un gros mot (dixit Mickaël Délis, l'auteur), allons-y franco.
Ce "Premier sexe" est un travail de recherche cash et sensible, diablement intelligent, sur la difficulté de se construire derrière les diktats de la société patriarcale. Le récit, théâtralisé, donc rendu accessible à tous, fourmille de réflexions fouillées qui fleurent bon les séances d'analyse chez le psy. Les anecdotes - toutes personnelles -croustillantes à souhait, débitées à la vitesse d'un cheval au galop à partir d'un tabouret attestent la virtuosité dans le verbe comme dans le jeu de ce comédien surdoué qui - cerise sur le gâteau - danse aussi merveilleusement. Cette mise à nue est réussie et... culottée !
Il affiche une jolie quarantaine, sourit à pleines dents, il est heureux. Exit les kilos en trop, les basses réflexions sur son timbre de voix à l'adolescence, ses manières de "fille à maman" moquées par son entourage, ses râteaux en boum. Exit l'ado complexé "qui ne la voyait pas comme ça, sa vie" (cf Souchon). Il s'est construit en déconstruisant les stéréotypes de la virilité. Il revient de loin mais savoure sa victoire face à des salles archibondées qui écoutent, une heure quinze durant, la chronologie d'un enfant du siècle, handicapé au départ par une mère auto-centrée dépressive, possessive à souhait mais aimante et délicieusement permissive, un frère jumeau trop "normal", un père érotomane absent, des enseignants largués, des copains et copines de classe trop normatifs et un psy Lacanien qui - forcément - se joue des mots. Sans oublier plus tard un savant sexologue habité... La plume de Mickaël Délis, comme le jeu, est alerte et acérée. Avec presque rien (une craie, une blouse qu'il chiffonne et transforme à l'envi, jusqu'à la figurer en bébé), il incarne tous les personnages qui ont jalonné son existence, interroge les injonctions de la virilité, pures "arnaques" (sic). Sans pudeur aucune mais avec élégance et un sens inouï du rythme et de la rupture, il captive le public qui, s'il en prend parfois plein son grade, salue la pertinence, voire la fulgurance du propos.

En clin d'oeil à Simone de Beauvoir pour l'émancipation et presque en réponse au "Premier sexe" d'Eric Zemmour qui, lui, n'a pas vu l'arnaque de la virilité, l'opus de Mickaël Délis, décomplexé et touchant, est une claque magistrale à l'intolérance, à l'homophobie. Il apparait surtout comme une charge d'espoir incroyable. De l'homme singulier, il en fait un masculin pluriel, accréditant sa réflexion "Comme c'est bon d'être désorienté !". Libéré, délivré, il termine son voyage introspectif en tenant - symboliquement - un bébé dans ses bras. Il sourit. Ah, ce sourire ! Avec un tel charme, une telle intelligence, une telle dextérité, on comprend que le public se lève chaque soir comme un seul homme pour l'applaudir à tout rompre. Et chaque soir, l'émotion le gagne. Mickaël pleure de joie. On dit même que certains ont vu des paillettes dans ses yeux !
Pour "La Paillette de leurs vies", dernier Opus de la Trilogie après "Le Premier sexe" et "La fête du slip", il faudra attendre 2025. Vivement demain !
Paru le 09/10/2024

(25 notes)
PREMIER SEXE ou la grosse arnaque de la virilité (LE)
LA SCALA PARIS
Jusqu'au mercredi 19 mars 2025

THÉÂTRE CONTEMPORAIN. Un homme sur scène épaulé par divers membres de sa famille, ses camarades de classes, son psy, ses exs, ses futur(e)s, des collègues, des élèves, offre le fruit de sa réflexion. Le condensé d'une existence en sept tableaux et à peu près le double d'anecdotes fondatrices, convoquées pour interroger...

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