Article de Patrick Adler
Glenn, naissance d’un prodige
Au Théâtre Montparnasse
Entre le Canada qui lui glaçait les os et une mère étouffante qui n'avait pas diagnostiqué à temps l'Asperger en lui, Glenn s'est toujours vu amputé de sa liberté, sauf devant son clavier où il pouvait constamment se réinventer. En installant un piano sur scène, en alternant jeu et morceaux de musique joués en direct, Ivan Calbérac, assisté de Juliette Azzoppardi et Jean-Benoit Thibaud à la scénographie, nous font découvrir un Glenn Gould méconnu, névrosé, aussi touchant que génial. Un grand moment de théâtre, salué par deux Molières (révélation masculine pour Thomas Gendronneau, révélation féminine pour Lison Pennec). Jubilatoire !
"Les mots sont souvent la meilleure façon de ne pas se comprendre" dit, en forme de préambule, Glenn à sa cousine, transie d'amour pour lui. Elle encaissera la formule, ne désarmera jamais, sera tout pour lui jusqu'au jour où viendra le temps pour elle de sauver sa peau. Glenn s'exprime au clavier, peu par les mots. C'est un taiseux qui vit dans sa bulle et ce, depuis l'enfance. À l'instar de Mozart - un autre génie - il aura à affronter la pression familiale, la rigueur d'une mère frustrée de ne pas avoir fait carrière qui reporte tout sur lui, fait corps avec lui (elle va jusqu'à partager sa couche un jour sur deux, les psychanalystes se régalent...).
Sa frilosité légendaire - il apparait d'ailleurs sur scène avec un long pull jacquard et une écharpe de laine - est également patente avec le sexe opposé (conséquence de son Œdipe ?). S'ajoute à cela une insomnie chronique, sans oublier l'hypocondrie qui ne le quittera pas avec cette peur panique de l'hôpital, vecteur selon sa mère (et donc selon lui ) de maladies nosocomiales.
Mais, au-delà de sa névrose obsessionnelle, de son hypersensibilité, il y a le génie d'un des plus grands pianistes du XXe siècle. Et quand il se penche sur son piano et que les premières notes s'égrènent, il s'envole et emporte le public, ce public qui dans tous les coins du monde le suit et l'aime jusqu'à le posséder, le hanter, l'effrayer. Il jettera l'éponge, laissant désarmés sa mère, son père, sa cousine et même son impresario qui l'a pourtant hissé à un rang mondial.
Enregistrant contre toute attente les "Variations Goldberg" de Bach alors que sa maison de disques l'attend sur des airs plus... connus, il fait tardivement acte de rupture avec sa mère, son manager, ses producteurs. Il a coupé le cordon et entame alors une longue solitude faite de créations sous substances médicamenteuses. Glenn fait sans doute partie des êtres singuliers qu'on appelle génies. Fragiles et rares, ils n'ont pas la moindre appétence pour le bonheur, à moins que leur construction psychique ne s'accorde que de ces instants épars d'émerveillement. C'est peut-être cela la définition de "L'art pour l'art".
La partition du chef d'orchestre Ivan Calbérac n'est en rien mélodramatique, ni psy-isante, elle est puissante, dynamique et... drôle ! Notons ces quelques moments d'anthologie comme le "french kiss" avec la cousine de Glenn ou l'interview de sa mère avec un anchorman très "orienté" sur un réseau canadien (formidable Stéphane Roux). Grâce à une scénographie habile qui mêle vidéos aux décors, on suit, comme aimantés, l'histoire, les lieux. Le chef a aussi la chance d'être servi par un casting au cordeau : Josiane Stoléru est une mère abusive délicieusement féroce, dont les punchlines font mouche, Bernard Malaka un père désabusé et couard, Alban Aumard, un truculent manager, Lison Pennec une cousine aussi subtile qu'émouvante et Thomas Gendronneau un Glenn Gould juste... époustouflant !
Deux Molières amplement mérités. Mais pourquoi seulement deux ?
Sa frilosité légendaire - il apparait d'ailleurs sur scène avec un long pull jacquard et une écharpe de laine - est également patente avec le sexe opposé (conséquence de son Œdipe ?). S'ajoute à cela une insomnie chronique, sans oublier l'hypocondrie qui ne le quittera pas avec cette peur panique de l'hôpital, vecteur selon sa mère (et donc selon lui ) de maladies nosocomiales.
Mais, au-delà de sa névrose obsessionnelle, de son hypersensibilité, il y a le génie d'un des plus grands pianistes du XXe siècle. Et quand il se penche sur son piano et que les premières notes s'égrènent, il s'envole et emporte le public, ce public qui dans tous les coins du monde le suit et l'aime jusqu'à le posséder, le hanter, l'effrayer. Il jettera l'éponge, laissant désarmés sa mère, son père, sa cousine et même son impresario qui l'a pourtant hissé à un rang mondial.
Enregistrant contre toute attente les "Variations Goldberg" de Bach alors que sa maison de disques l'attend sur des airs plus... connus, il fait tardivement acte de rupture avec sa mère, son manager, ses producteurs. Il a coupé le cordon et entame alors une longue solitude faite de créations sous substances médicamenteuses. Glenn fait sans doute partie des êtres singuliers qu'on appelle génies. Fragiles et rares, ils n'ont pas la moindre appétence pour le bonheur, à moins que leur construction psychique ne s'accorde que de ces instants épars d'émerveillement. C'est peut-être cela la définition de "L'art pour l'art".
La partition du chef d'orchestre Ivan Calbérac n'est en rien mélodramatique, ni psy-isante, elle est puissante, dynamique et... drôle ! Notons ces quelques moments d'anthologie comme le "french kiss" avec la cousine de Glenn ou l'interview de sa mère avec un anchorman très "orienté" sur un réseau canadien (formidable Stéphane Roux). Grâce à une scénographie habile qui mêle vidéos aux décors, on suit, comme aimantés, l'histoire, les lieux. Le chef a aussi la chance d'être servi par un casting au cordeau : Josiane Stoléru est une mère abusive délicieusement féroce, dont les punchlines font mouche, Bernard Malaka un père désabusé et couard, Alban Aumard, un truculent manager, Lison Pennec une cousine aussi subtile qu'émouvante et Thomas Gendronneau un Glenn Gould juste... époustouflant !
Deux Molières amplement mérités. Mais pourquoi seulement deux ?
Paru le 16/10/2024
(134 notes) THÉÂTRE MONTPARNASSE Du mercredi 7 septembre 2022 au samedi 23 novembre 2024
COMÉDIE DRAMATIQUE. Sous l’impulsion de sa mère qui rêvait d’être concertiste, Glenn Gould commence le piano dès l’âge de deux ans et demi, et s’y révèle aussitôt très doué. Devenu adulte, il va totalement révolutionner la façon de jouer du piano, et vendre autant de disques que les plus grandes rock star. Mais plus ...
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