Tout va de travers, tout est de guingois dans cette province de Russie et les décors, habilement pensés, laissent apparaître d'emblée ce grand désordre. Pieds de table, de bureau, de chaises, de canapé, amputés de quelques centimètres, fenêtres et miroirs obliques, il y a de quoi vous faire un torticolis ! Les personnages, truculents et ridicules à souhait, ne sont pas en reste qui, par leur jeu appuyé, offrent au texte de Gogol un supplément d'âme et une saveur très rafraîchissants. On jubile, on rit de bon cœur, on s'esclaffe à cette farce angoissante sur la corruption et l'imposture, qui pointe également la couardise et l'hypocrisie de cette société du XIX è siècle en Russie qui, par certains aspects, notamment chez nous, font sens. Ronan Rivière s'est appuyé sur sept personnages, sept monstres qu'on croirait tout droit sortis de la Commedia dell'Arte : Le faux Revizor, qu'il interprète avec brio (l'affabulateur est vite pris à son propre piège jusqu'à s'emmêler les pinceaux, puis abdiquer quand le danger point), le gouverneur, boursouflé d'orgueil (il a du mal à reconnaître la supercherie), sa fille naïve (tel le Corbeau de la fable, elle a laissé tomber le fromage et ne s'en remet pas non plus), quant aux truculents "Pieds Nickelés" que forment les notables russes, ils sont à l'image de la gestion de la ville : aussi désastreux que risibles.
Vous l'aurez compris, cette comédie est jubilatoire. L'excellent Olivier Mazal officie au piano, il en est l'habilleur musical. Comme dans les films en noir et blanc, c'est lui qui donne (ou suit, à sa guise) le tempo et la couleur des scènes. Grâce soit rendue à Ronan Rivière d'avoir su fidéliser sa troupe. Il nous permet de retrouver avec le même bonheur les incontournables Michaël Giorno Cohen (un "Falstaff" russe désopilant), Laura Chétrit (subtile dans sa candeur), Luc Rodier, Jérôme Rodriguez et Hassan Tess (aussi bancales qu'hilarants).

Alors, laissez-vous tenter... puisque vous aimez le théâtre vivant !