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© Laurencine Lot
Zoom par Patrick Adler
Les Raisins de la colère
Au La Bruyère

Ou comment un homme-orchestre de talent, Xavier Simonin, et trois musiciens-chanteurs revisitent avec intelligence le roman de Steinbeck et nous font voyager dans la Grande Dépression de l'Amérique des années 30.
À la manière d'un Franck Desmedt dans « Kessel », Xavier Simonin (exceptionnel lui aussi dans cet exercice) raconte le voyage d'une famille ruinée, en quête d'un ailleurs sur la route 66. Dans un décor minimaliste (quelques caisses, de la paille...), porté par un accompagnement musical aux accents « country » et « bluesy » et les chants de Roxane Amal (sa voix est une délectation), il est le récitant, celui qui campe seul tous les personnages, figure toutes les situations. Mué en porte-voix de ceux qui ont tout perdu, tout laissé derrière eux, avec sa voix rocailleuse et puissante, il a en lui cette humanité, cette générosité des humbles. Dans cette lancinante et puissante désillusion, il avance, de mirages en mirages, de morts en morts, narrant l'exode et la misère sociale. Son jeu est hypnotique, comme les musiques qui l'accompagnent. Si l'attention est soutenue (la qualité est par définition exigeante), l'imaginaire des spectateurs est en éveil.

Les éclairages « terre de sienne », souvent en clair-obscur, habillent le récit, accentuant la chaleur, la pesanteur du périple. C'est tout l'Oklahoma (la terre natale de cette famille de migrants) qui défile devant nos yeux, puis l'Arizona, le Colorado et la verte et opulente Californie, celle de la ruée vers l'or qui après avoir été un temps Mexicaine, devient l'Eldorado de l'Amérique. Celle des nantis. Dans la violence et la répression des mouvements sociaux (on pense forcément à Germinal, à la révolte des Noirs dans les champs de coton et, plus récemment à la parenthèse « Gilets Jaunes » chez nous), il y a tout ce capitalisme sauvage et décomplexé que pointe Steinbeck, magnifié par Xavier Simonin.

La « tradition orale », autour d'un feu (comme dans les westerns de notre enfance) met, elle, en valeur le ciment de la solidarité, la chaleur des oubliés qu'on nommerait aujourd'hui les « Invisibles ».

« Les Raisins de la colère », dans cette version « conte musical », fait assurément fermenter les esprits. Le jus n'en est que plus délectable. Courez applaudir ce quatuor qui eût mérité ce sous-titre « Les raisons d'un Molière ». L'injustice est néanmoins réparée par la belle fréquentation du public.
Paru le 10/12/2024

(124 notes)
RAISINS DE LA COLÈRE (LES)
THÉÂTRE ACTUEL / LA BRUYÈRE
Jusqu'au lundi 30 décembre

THÉÂTRE CONTEMPORAIN. Le grand roman américain pour la première fois sur scène. C'est l'histoire de la famille Joad, lors de la Grande Dépression aux États-Unis. Entre espoir et misère, générosité et mesquinerie, cette histoire nous transporte sur la route 66 en Amérique des années 30 et continue de faire écho aux enje...

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