Zoom par Patrick Adler
Le prix de l’ascension.
Au Contrescarpe.
Le Contrescarpe a ce talent de dénicher des pépites dans les « comédies politiques » qui, curieusement, se font rares sauf dans les cabarets, chez les chansonniers. Après le succès de « Jacques et Chirac » qui rempile pour une année supplémentaire, voici, après deux « Avignon » à guichets fermés et un premier succès Parisien à la Comédie de Paris le tant attendu « Prix de l'ascension » qui eût pu s'appeler, pour paraphraser Woody Allen : « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les coulisses du pouvoir, les arcanes de la politique, sans jamais oser le demander ». Nul besoin de dissolution, de remaniement, de 49.3. Le public a déjà adopté la pièce ...sans le moindre amendement !
Laurent et Brice sont un peu les Danny Wilde et Brett Sinclair de l'ENA : Laurent est un fils-à-papa, arrogant et hors-sol ; Brice est son contraire, lui a dû emprunter l'ascenseur social et devra jouer des coudes pour acquérir les codes du pouvoir, n'ayant pas été initié et encore moins coopté au départ. Tous deux fraîchement diplômés mais pas pareillement classés (le riche est à la traîne et écope d'une mutation à Guéret, dans la Creuse, quand le pauvre entre à la Cour des Comptes), ils vont connaître chacun une ascension grandissante qui va d'abord se muer en saine émulation puis en une lutte ardue et sans pitié pour le pouvoir. Ca ne vous rappelle rien ? Dans les « affaires » récentes, il y eut l'affaire Griveaux, après combien d'autres... Avec « Le prix de l'ascension » - tout est déjà suggéré dans le titre -, on est entre doc et fiction. Le travail, les références, les points d'appui sont très précis et c'est finement interprété, ce qui rend la pièce totalement crédible en dépit de son ton et de son rythme, dignes d'un vaudeville. Car l'histoire de cette compétition est menée tambour battant par Victor Rossi - également co-auteur de la pièce avec Antoine Demor - et Matthew Luret. Entre franche camaraderie et rivalité, ils ne lâchent rien dans leur lutte pour le pouvoir, quitte à se faire quelques crocs-en-jambes, pratiquer la calomnie et pousser toujours plus loin la cruauté. Derrière cette pseudo-bouffonnerie, beaucoup plus grave qu'il n'y parait, se profile chez les deux impétrants une grande solitude : la solitude du Pouvoir. Certes, on se délecte de tant de perfidie, on se gausse des petites vacheries « entre amis », des basses compromissions, on jubile de tous les faux-semblants, des non-dits, des éléments de langage, de tout ce qui fait la politique et les politiques. Mais, comme le dit la serveuse de Starmania, « au bout du compte, on se rend compte qu'on est toujours tout seuls au monde ». Sont-ils si enviables, ces gens accros au pouvoir ?
Forts de tous ces codes révélés, nous pouvons repartir, joyeux et graves - car la pièce fait sens et est plus que jamais d'actualité - avec une conscience citoyenne redoublés. Nous ne saurions désormais être dupes des stratégies menées pour accéder au pouvoir. Vous l'aurez compris, ce « Prix de l'ascension » est rafraichissant, pédagogique et drôle, très drôle. Ce « Dallas » à la française, qui est un éclairage subtil sur notre société, devrait être présenté dans toutes les écoles de journalisme, à Sciences-Po, à l'ENA et pourquoi pas même dans les lycées avec, à la clef, ce sujet du bac : La vertu est-elle compatible avec la politique ?
Vous avez quatre heures...
Forts de tous ces codes révélés, nous pouvons repartir, joyeux et graves - car la pièce fait sens et est plus que jamais d'actualité - avec une conscience citoyenne redoublés. Nous ne saurions désormais être dupes des stratégies menées pour accéder au pouvoir. Vous l'aurez compris, ce « Prix de l'ascension » est rafraichissant, pédagogique et drôle, très drôle. Ce « Dallas » à la française, qui est un éclairage subtil sur notre société, devrait être présenté dans toutes les écoles de journalisme, à Sciences-Po, à l'ENA et pourquoi pas même dans les lycées avec, à la clef, ce sujet du bac : La vertu est-elle compatible avec la politique ?
Vous avez quatre heures...
Paru le 11/12/2024