Zoom par Patrick Adler
Robinson
La Huchette
Erwan Creignou a tout lu sur Robinson. De Defoe à Tournier en passant par Buffet et quelques récits et autres témoignages de naufragés, de cette histoire qui a bercé notre enfance, il en tire une version toute personnelle qui ne manque pas d'intérêt par son questionnement sur notre époque. Quid de la solitude en territoire inconnu, de notre rapport à la nature, à l'autre ? Ce Robinson est une fable humaniste, un "I will survive" écologique et, quelque part, politique puisqu'il convoque... le capitalisme ! Êtes-vous prêts à embarquer ? Attention aux secousses...
Embarqué, le public va l'être, et ce, dès que le comédien apparait sur scène dans la tempête. Rassurez-vous, le théâtre ne prend pas l'eau mais sur une bande-son très étudiée et par un jeu de cordages et de bâches moirées en mouvement qui figurent la houle, on imagine, mieux encore, on voit l'homme qui chancelle mais résiste face à la tempête, on voit le bateau couler comme on entend au milieu du ressac cette voix intérieure, celle du père, mué en statue du Commandeur, qui lui parle en continu. Entre conseils sages et petits reproches, le fils fugueur s'interroge sur le bien-fondé de l'émancipation, de sa désobéissance. Être ou ne pas être... libre ! Puis vient le calme après la tempête. L'expérience de la survie peut démarrer. Alors, parce qu'il est aussi habile de ses mains, Erwan/Robinson crée à vue son décor et c'est en un tournemain toute une végétation luxuriante de fougères, de lianes, de fleurs qui apparait, une cabane qui se monte, ne manque que le sable... La bande-son donne vie à l'ensemble entre clapotis des vagues, cris d'oiseaux, bêlements de chèvres, miaulements d'un chat. L'histoire est en marche. La présence d'une trace dans le sable et les interrogations qu'elle suscite préfigurent l'arrivée de Vendredi, vite renommé Will par l'intéressé en rencontrant Robinson qui voyait sans doute en lui le "bon sauvage" cher à Rousseau. Les pendules sont vites remises à l'heure : Will est son alter-ego, en aucun cas le nègre de service et Vendredi est un jour, pas un homme. Robinson doit jeter aux orties préjugés et autres présupposés appris. La relation qu'il va nouer avec son "alter ego" va d'ailleurs l'enrichir au point de nous démontrer - message politique subliminal - que le "vivre ensemble" est possible, comme le rapport à la nature doit être respecté. Erwan Creignou a dans le regard cette naïveté mâtinée d'humour et cet optimisme, cette foi en l'homme, chevillés au corps. Son questionnement sur l'écologie et le capitalisme, qui prolonge sa pensée humaniste, offre un éclairage nouveau sur le personnage mais, comme il est "tout-en-un", allant même jusqu'à camper Vendredi/Will, on eût peut-être aimé qu'il prolongeât sa pensée car il en a visiblement sous le pied.
Si, comme l'auteur-acteur-metteur-en-scène (il a tout fait, tout créé tout seul) vous avez gardé votre âme d'enfant, si vous aimez l'aventure, la performance d'acteur, l'humour, le rêve, les beaux sentiments et tout simplement les spectacles intelligents, courez voir cette nouvelle pépite à La Huchette, d'autant qu'elle est "tous publics"... ou presque, puisqu'elle repose quand même sur un socle philosophique.
Si, comme l'auteur-acteur-metteur-en-scène (il a tout fait, tout créé tout seul) vous avez gardé votre âme d'enfant, si vous aimez l'aventure, la performance d'acteur, l'humour, le rêve, les beaux sentiments et tout simplement les spectacles intelligents, courez voir cette nouvelle pépite à La Huchette, d'autant qu'elle est "tous publics"... ou presque, puisqu'elle repose quand même sur un socle philosophique.
Paru le 19/12/2024
(14 notes) THÉÂTRE DE LA HUCHETTE Jusqu'au samedi 25 janvier 2025
SEUL-E EN SCÈNE. Dans la nuit du 25 septembre 1659, en plein océan Pacifique, la tempête fait rage et sur le navire en perdition, un jeune marin du nom de Robinson voit sa dernière heure arriver.
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