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D.R.
Article de Patrick Adler
Faire semblant d’être moi
La Flèche

En convoquant ses souvenirs et retraçant son parcours de 5 à 18 ans, l'autrice-actrice Luce Mouchel porte un regard à la fois lucide, douloureux et grinçant sur sa famille et le monde qui l'entoure. Le texte est puissant, l'interprétation aussi. Entre poésie, candeur, violence et humour, elle se déploie dans une chorégraphie esthétique et macabre, se déplie, se démultiplie pour incarner tous ces passages de la vie, tous ces personnages, dont beaucoup portent l'angoisse ou la maladie. Femme-caoutchouc, comédienne et danseuse, musicienne et chanteuse, elle est ce papillon élégant et trouble qui, grâce à la mise en scène très précise de Xavier Maurel - notamment sur les déplacements et les ruptures - se métamorphose sous nos yeux, elle est celle qui "aurait pu ne jamais exister, être tout le temps morte" comme elle dit. Dieu soit loué, elle est bien vivante !
Le trauma vient d'un fait divers troublant, une embardée qui va mettre à mal le psychisme familial. Entre non-dits, révélations tardives, questionnements identitaires, sexuels, errements spécifiques à l'adolescence et la découverte du théâtre- acmé de sa recherche -, le monde de Lulu (petite dernière d'une fratrie de trois) est bouillonnant. On y découvre, comme dans un kaléidoscope, les multiples facettes des gens et de la vie. Elle s'en inquiète - ainsi donc, il y eut un homme avant son père ? -, observe, se réinvente un univers, allant jusqu'à brocarder ses semblables en les imitant avec force tics. Pour ce faire, Xavier Maurel a réduit la scénographie à son minimum : quatre chaises, un gros ballon, des bottines rouges, une veste, un long voile de mariée et... un piano pour quelques respirations musicales. On suit, comme aimantés, son histoire, son évolution. On ne peut qu'être fasciné par ce corps si élastique qui se déplie à l'envi, par cette maîtrise de la scène. Lulu est chez elle, avec toute sa sincérité. De la candeur naïve et touchante de l'enfant au regard adulte distancié de la femme et ses premiers pas avec les hommes, elle prend peu à peu conscience de la puissance des résurgences du passé. Son travail de mémoire devient alors fluide, comme ce long corps qu'elle laisse s'épanouir avec grâce et délicatesse sur un plateau où même le gros ballon roule en toute liberté. Une chose est sûre : Luce Mouchel ne "fait pas semblant" dans ce seule-en-scène et c'est bouleversant et bluffant !

Courez l'applaudir !
Paru le 20/01/2025
FAIRE SEMBLANT D’ÊTRE MOI
THÉÂTRE LA FLÈCHE
Jusqu'au samedi 15 mars

SEUL-E EN SCÈNE. Les souvenirs au présent, de 5 à 18 ans, d’une future actrice, entre fin des 60’s et début des 80’s. Le langage évolue avec le corps, la famille et les rencontres, au fil des espoirs, des déceptions, des deuils, des révélations… Restée au plus proche de ses errances intérieures d’autrefois, la fem...

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