Elle déambule dans la file d'attente, elle a ses fiches en main, les propose aux spectateurs. Des fiches ? Oui, des fiches qui portent des numéros et des mots, des phrases, des formules y correspondant. Autant dire que le public va connaître une expérience théâtrale immersive et - en dépit des thèmes abordés : la dépression, le suicide... - joyeuse !
Vingt boites ou cartons occupent le plateau. Au milieu d'eux, un petit bout de femme, pleine d'entrain et de joie de vivre, va mettre à contribution chaque spectateur - ou presque - dans un narratif pour le moins glauque et mortifère (la mort d'un chien, les tentatives de suicide de la mère). Ledit spectateur(trice) devra, à l'appel du numéro, lire la phrase y afférent. C'est curieux, peu banal de devenir acteur d'une histoire, c'est dire la confiance et la connivence qui s'installe entre Laurence Gray et l'assistance. Elle poussera même l'incongruité à demander à une spectatrice d'ôter son soulier et sa chaussette, d'enfiler cette dernière sur sa main et camper ainsi un chien-chaussette. On rit de bon cœur à cette liste qui n'est pas sans nous rappeler cette autre liste, celle de nos envies et qui va croissant avec ce doux sentiment d'apaisement.

Tout est ouaté, rien dans le jeu n'est tragique. Le narratif l'est en revanche. A part l'enterrement de vie de jeune fille, rien dans le dernier voyage ne saurait provoquer la joie, voire le rire. Et pourtant... Après l'inhumation de la mère, on ressort presque ragaillardi de ce millionième mantra - la comédienne a volontairement sauté des étapes ! - qui s'achève sur une note (musicale, "le Tourbillon de la vie" de Jeanne Moreau), une note très "feel-good", à l'image de Laurence Gray qui, en incarnant cette petite fille de sept ans, sollicite notre imaginaire et nous offre un hymne à la vie salutaire. C'est pétillant comme un champagne - ou un Spritz, au choix ! - qu'on peut boire sans modération, pour une fois !