Article de Patrick Adler
Le Barbier de Séville
Lucernaire
La Compagnie des Modits s'est fait une spécialité de revisiter les classiques. À l'instar de Tigran Mekhitarian et son Don Juan en "street-voice" et "street-art" qui dépote avec le succès qu'on sait, eux aussi apportent une touche de modernité dans leurs créations. Ce "Barbier de Séville" virevoltant et pittoresque est parti pour connaître le même triomphe au Lucernaire que leur emblématique "Affaire de la rue de Lourcine", de Labiche. Au royaume de la précaution inutile, sachez juste qu'il est prudent de réserver. Conseil... utile.
Ils affichent "complet" ou presque depuis le début et même les scolaires se réjouissent car tout promet d'être fluide dans cette aventure théâtrale : joli décor, éclairages très étudiés, costumes "contemporains". Exit les perruques et autres falbalas, l'ambiance est espagnole, ensoleillée comme les musiques et les personnages : si on osait, on pourrait voir en Almaviva un Zorro, en Bartholo un Sergent Garcia, en Rosine une Donna Anna Maria, comme on pourrait trouver une parentèle entre Figaro et Almaviva qui, par leur connivence et leur jeu, nous rappellent dès leur rencontre au début les Starsky et Hutch de notre enfance. C'est dire si les personnages ont évolué au milieu d'un texte qui, lui, n'a pas pris une ride. Plus actuel que jamais avec les revendications féministes et sociales, il parle à tout le monde et offre un vent de liberté salutaire, d'autant que - et c'est tout l'art de la mise en scène de Justine Vultaggio - on est entre vaudeville et comedia dell'arte. Tout est rythmé. Pas de temps mort, des gags visuels et sonores - la fameuse scène de la Calomnie, jouée par l'excellent Alexis Rocamora, sous-tendue par la musique qui va crescendo (Elle est signée du génial Mathieu Rannou) est un morceau d'anthologie - la jeune compagnie assume de mêler tradition et modernité d'autant qu'elle regorge de talents dans la troupe : Oscar Voisin est solaire et brillant. Bouffon moderne, il a l'agilité du jeu et s'impose d'emblée par sa connivence avec le public. Victor O'Byrne, en incarnant tour à tour un amoureux transi romantique, un soldat, un maître de chant est lui aussi, très convaincant. Ses usurpations d'identité dans la pièce donnent le champ libre à ses savoureuses compositions. On retrouve également avec bonheur le "Falstaffien" Michaël Giorno-Cohen, encensé déjà dans "Le Revizor" de Gogol, plus à l'aise que jamais dans ce Bartholo colérique, truculent, haut en couleurs. Alexis Rocamora, quant à lui, gère la perfidie, la cupidité avec délectation et nous régale. Quel comédien ! Et, last but not least, Justine Vultaggio ajoute à l'excellence de la troupe ses trilles - elle est soprano - et son jeu subtil. Tantôt câline et mutine, tantôt fougueuse, voire colérique dans son insoumission, elle est impériale.
Vous l'aurez compris, cette pièce du répertoire, aussi divertissante que pédagogique s'inscrit une fois encore dans les pépites du Lucernaire, dont on ne louera jamais assez la brillante programmation. Régalez-vous et surtout réservez vite !
Vous l'aurez compris, cette pièce du répertoire, aussi divertissante que pédagogique s'inscrit une fois encore dans les pépites du Lucernaire, dont on ne louera jamais assez la brillante programmation. Régalez-vous et surtout réservez vite !
Paru le 23/01/2025
(10 notes) THÉÂTRE DU LUCERNAIRE Jusqu'au dimanche 30 mars
COMÉDIE RÉPERTOIRE CLASSIQUE. À Séville, au début du XIXe siècle, Rosine, une jeune fille orpheline, est retenue captive par son tuteur, le docteur Bartholo, épaulé par son cupide bras droit Basile. Promise à un mariage forcé à ses 18 ans, elle tombe amoureuse d’un mystérieux amant qui la courtise en secret. Ce n’est autre que...
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