Zoom par Patrick Adler
L’Injuste
Renaissance
Le titre interroge. Bien sûr, on pense qu'il est sur la médaille du "Juste" de l'Ancien Testament son revers. François Genoud serait donc l'Injuste, ce banquier des Nazis qui, à défaut de suivre Dieu, a choisi de vénérer Hitler dont il deviendra son exécuteur testamentaire et son éditeur, comme celui de ses affidés Goebbels, Goering... Il a beau avoir tout joué, Jacques Weber, il ne pouvait pas passer à côté de ce rôle de grand salaud. La pièce le représente retranché dans son bunker. Celui qui n'a jamais été inquiété par la Justice, s'apprête à recevoir, à quelques mois d'une mort annoncée (il est condamné par la maladie), une jeune journaliste israélienne (campée par l'impeccable Élodie Navarre). S'engage dans ce huis-clos un duel tendu entre un vieux lion brillant et dominateur et une jeune souris aussi pugnace que finaude. Jubilatoire !
La rencontre est aussi glaciale que le décor. Confinant, minimaliste, oppressant, il offre juste une ouverture à un écran qui projette des images d'archives ou les caméras de surveillance du bâtiment. La jeune journaliste s'affiche déterminée, elle veut en découdre, connaître la vérité. L'accusé, acquis à l'idée d'un dernier tour de piste, s'amuse déjà. Ils se font face, chacun assis sur son siège, de temps en temps, ils se lèvent, font quelques pas. Le duel, démarré à fleurets mouchetés, se muscle après les premières révélations choc de la journaliste et les retours assassins du banquier. Manipulateur en diable, Genoud se fait tour à tour charmant, blagueur, brutal, menaçant. Il a vite compris le jeu qui s'est installé. Comme il ne pense en faire qu'une bouchée, il moque le "chaperon rouge" qui ose défier le grand méchant loup qu'il est, mais la jeune journaliste ne l'entend pas de cette oreille. Les seuls comptes qui vaillent pour elle sont ceux qu'il a à rendre devant l'Histoire, pas les contes de l'enfance. Sûr de son fait, avec une arrogance non feinte, il s'avance, avec son physique imposant, il ne lâchera rien. Elle doit chercher alors la moindre ouverture, la moindre faille, la moindre hésitation, pour reprendre la main. Ses armes à elle, ce sont les mots mais lui aussi sait les manier, les retourner, les triturer, les anéantir. La pièce est bâtie comme un thriller, avec une atmosphère qui se fait de plus en plus pesante. C'est palpitant, d'autant qu'on va aller de révélations en révélations. Et s'il y avait une parentèle entre la jeune journaliste et Genoud ou au moins une relation plus proche qu'on ne penserait ? Pourquoi a-t-il accepté d'être interviewé par elle ? Qui est-elle pour lui ? À partir de ces interrogations, l'histoire prend un nouveau tournant. Il ne recule devant rien. Tous les coups sont permis. Alors... Qui va tomber ? Le doute s'installe, l'issue n'est jamais définitive. Comme nous ne saurions spoiler la fin qui, vous le verrez, risque de vous surprendre, vous aurez tout le loisir de le découvrir par vous-même.
Jacques Weber est magistral dans la complexité de son personnage dont il assume tout : l'élégance - son mantra est de toujours se tenir "droit" - la colère, l'humour, l'ironie, la sagesse de l'homme d'expérience et ce sourire dont il se départit rarement. Il est... un salaud magnifique ! Face à lui,"Elodie Navarre, qui n'entend pas jouer les utilitaires, est convaincante dans sa pugnacité, sa véhémence malgré son apparente fragilité. Elle symbolise la résistance et le besoin de vérité. Sans affèterie.
Tous deux sont dirigés avec grand talent par Julien Sbire, à qui nous devons cette autre pépite "Le repas des fauves" et qui, avec ce texte à huit mains, aussi puissant que finement ciselé, où les répliques font mouche à chaque fois, offre au public venu en nombre un beau moment de théâtre. Un conseil : Il est prudent de réserver !
Jacques Weber est magistral dans la complexité de son personnage dont il assume tout : l'élégance - son mantra est de toujours se tenir "droit" - la colère, l'humour, l'ironie, la sagesse de l'homme d'expérience et ce sourire dont il se départit rarement. Il est... un salaud magnifique ! Face à lui,"Elodie Navarre, qui n'entend pas jouer les utilitaires, est convaincante dans sa pugnacité, sa véhémence malgré son apparente fragilité. Elle symbolise la résistance et le besoin de vérité. Sans affèterie.
Tous deux sont dirigés avec grand talent par Julien Sbire, à qui nous devons cette autre pépite "Le repas des fauves" et qui, avec ce texte à huit mains, aussi puissant que finement ciselé, où les répliques font mouche à chaque fois, offre au public venu en nombre un beau moment de théâtre. Un conseil : Il est prudent de réserver !
Paru le 22/02/2025






![]() ![]() ![]() ![]() ![]() (27 notes) THÉÂTRE DE LA RENAISSANCE Jusqu'au dimanche 4 mai
COMÉDIE DRAMATIQUE. En 1993, dans un bunker perdu dans une forêt Suisse, François Genoud, le banquier des nazis vit ses dernières heures. Toute sa vie il a échappé à la justice et aux remords. Pour son dernier baroud d’honneur, il reçoit une jeune journaliste d’un quotidien israélien. Mais pourquoi elle ? Que cherche...
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