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D.R.
Zoom par Patrick Adler
Il ne m’est jamais rien arrivé
À l’Atelier.

Non DEDIENNE !
Il aura tout fait, tout construit : la sélection et l'adaptation du journal de Jean-Luc Lagarce - un pavé de plus de vingt-trois cahiers, soit plus de mille pages, devenu mémoire d'une époque, celle de l'arrivée du Sida, entre autres - et, consécration ultime pour l'homme de théâtre mort à 38 ans sans avoir vu jouer ses pièces, il l'incarnera, fera siens ses mots, racontera son histoire comme si c'était la sienne. Bouleversant. Magistral. Vincent Dedienne est assurément un grand comédien.
Il se présente à nous, tout de noir vêtu, dans une boîte noire aussi, avec cet éternel sourire - sa marque de fabrique - qui semble relativiser la gravité du narratif, lui offrir un brin de détachement. Dans ce voyage introspectif d'un fils d'ouvrier provincial tôt ressenti comme "différent", de cette graine d'artiste en construction jusqu'à devenir un auteur majeur, il y a toute une vie, toute une époque qui passe sous nos yeux. On retrouve pêle-mêle les joies, les peurs, les doutes, l'humour, les désillusions d'un jeune homme qui découvre Paris et ses plaisirs, la multiplicité des rencontres, les ébats sexuels à l'envi et l'écriture, le théâtre, le rythme stakhanoviste des répétitions malgré la maladie, la communauté homosexuelle.

C'est sombre, c'est trash autant que sincère et émouvant. Lagarce-Dedienne nous parle. Infiniment. Dedienne fait corps avec l'auteur, nous le rend intime, comme son journal. Il est Lagarce à nu, avec ce charme indicible qui nous fait traverser avec compassion la solitude, la maladie, l'attente, le désespoir de l'auteur. Dans le noir de la boîte, le noir du costume, devant le rideau noir à franges émaillé par la rétro-projection de croquis blancs qui viennent imager le récit, il ne saurait se départir de son sourire ironique et tendre qui sous-tend le ton presque factuel et badin qu'il a choisi d'employer. Johanny Bert signe, avec la dessinatrice Irène Vignaud au touch-pad, une mise en scène inventive, ciselée et sobre qui fait autant la part belle au factuel qu'à l'humour.
La lucidité de ce fou de théâtre - cela s'applique aussi bien à Lagarce qu'à Dedienne - a une manière de poésie qui ne saurait rendre insensible le public, lequel a vite compris que ce "Il ne m'est jamais rien arrivé" au théâtre de l' Atelier est un événement. On affiche complet. Et cette signature vocale, ce ton "Dedienne", sincère, doux et détaché, est pour beaucoup dans ce triomphe théâtral.
Paru le 06/03/2025

(14 notes)
IL NE M’EST JAMAIS RIEN ARRIVÉ
THÉÂTRE DE L'ATELIER
Jusqu'au samedi 22 mars

SEUL-E EN SCÈNE. "J’ai toujours voulu faire quelque chose avec le Journal de Lagarce. La proposition de Johanny de me confier le beau rôle silencieux de Louis dans Juste la fin du monde, a été le déclencheur : tout ce que sa famille voudrait que Louis dise, et tout ce qu’il tait, je le dirai moi, au public, dans c...

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