Elles sont belles et émouvantes, ces quatre femmes. Elles viennent de quatre horizons distincts (Colombie, Inde, Russie, Comores) mais dans ce Babel où toutes les langues sortent, elles sont une et indivisibles et parlent en se rencontrant une même langue : celle de la liberté, manière d'esperanto. Elles sont courageuses, ces quatre femmes qui ont dû fuir leur pays pour des raisons diverses (guerre, dictature, bouleversement écologique...). Solidaires dans le malheur de la migration, prévue comme une chance, elles traversent, erratiques, sans boussole aucune les frontières (mais quelles frontières ?), subissant au passage l'irrespect, la violence, voire la sauvagerie des hommes. Bis repetita.
Alors, au milieu des bombes, du chaos que l'habillage sonore et visuel recrée avec inventivité - des lampes-torche suivent leur danse macabre - elles résistent à leur façon, par le souvenir, celui des pleurs et des rires d'un enfant, d'une grand-mère truculente, d'un fruit, d'un toit familial. Elles, qui sont toutes parties à la recherche d'un ailleurs, font-elles seulement partie de ce monde qui, dans leur errance, ne leur octroie qu'un bord ? L'une d'entre elles, Pema, voit sa peine doublée en ayant perdu en chemin son père et sa petite sœur. Dans cette épopée théâtralisée où elles nous offrent une bouleversante résilience, on est entre réel et imaginaire. On fait face à une vérité crue et violente... au milieu des chants et des danses qui poétisent et enchantent. C'est un peu de leurs racines qui est sauvé. C'est un peu de notre âme qui est secouée. C'est bouleversant, sensible, intelligent et merveilleusement interprété.

Ce "Femmes au bord du monde", c'était le choix du Festival "Nouvel Acte" 2024. Un choix de très haut vol de la part des dirigeants du Funambule qui nous ont offert, une fois de plus, une pépite théâtrale poétique, généreuse, courageuse et puissante à la fois.