"Les suppliques" sont des lettres écrites par des familles juives durant l'occupation, au gouvernement de Vichy et à son administration. Ces suppliques constituent ainsi des tombeaux, véritables souvenirs de fragments de vie pour des familles qui n'avaient jamais imaginé que l'administration française puisse être aussi mécanique et tatillonne dans ses procédures.
La mise en scène de Birgit Ensemble et du scénographe James Brandily joue la proximité avec le public. La scène est située en plein milieu de la salle, et les spectateurs sont face à face. Ils deviennent ainsi les témoins. Les suppliques sont interprétées, dansées, reconstituées dans un décor simple avec quelques éléments de mobilier mis sous des bâches, et des vêtements endossés par les comédiens, sortis des mêmes bâches. Une épaisse fumée provient du sol de la scène centrale, pour signifier l'abîme, l'oubli, la disparition. Chaque comédien donne vie à une supplique en l'interprétant et en la resituant dans son contexte. Il y a un caractère "brechtien" dans cette orchestration et cette mise en scène avec en toile de fond, la dénonciation d'une administration tatillone et bornée, qui devint ainsi un véritable bourreau de la population juive. C'est fort, puissant, déchirant, telle une machine à broyer, et une réponse indirecte aux discours révisionnistes de toute nature. A noter l'exposition "l'antisémitisme en action" au premier étage de l'enceinte du théâtre comme une illustration d'archives sous l'occupation.

Spectacle très intéressant à la mise en scène très bien pensée sur un aspect de la Shoah que je ne connaissais pas. C'est par moments très émouvant et les comédiens, sur scène durant toute la pièce, sont tous bons. Le mélange de récits et de jeu est d'une grande finesse.