Zoom par Patrick Adler
L’effet miroir
au théâtre de l'Oeuvre
« Les bons contes font les bons amis ». Pas si sûr !
Ma première gère des comptes, mon second en écrit et si ça sonne pareil à l'oreille, ça n'a rien à voir. Mon troisième est commercial et bon-vivant, ma quatrième gère les morts par la thanatopraxie. Réunissez ces quatre entités distinctes autour d'une table et vous avez tous les ingrédients pour un règlement de comptes (contes ?) des plus animés. Ajoutez à cela un miroir qui figure un cinquième personnage, qui réfléchit comme l'eau du lac, vous avez, in fine, une fable poético-aquatique où tout va à vau-l'eau.
Ma première gère des comptes, mon second en écrit et si ça sonne pareil à l'oreille, ça n'a rien à voir. Mon troisième est commercial et bon-vivant, ma quatrième gère les morts par la thanatopraxie. Réunissez ces quatre entités distinctes autour d'une table et vous avez tous les ingrédients pour un règlement de comptes (contes ?) des plus animés. Ajoutez à cela un miroir qui figure un cinquième personnage, qui réfléchit comme l'eau du lac, vous avez, in fine, une fable poético-aquatique où tout va à vau-l'eau.
Théophile n'a rien produit depuis 5 ans. En panne d'inspiration depuis son best-seller, celle-ci réapparait sous une forme totalement inattendue pour son entourage : un conte pour enfants au titre pour le moins énigmatique : « L'éveil du plancton ». Et chacun de se reconnaitre, qui dans l'oursin, qui dans la crevette, qui dans le bigorneau, qui dans la sirène. Et chacun de se plaindre, sous-entendant qu'un écrivain ne devrait pas dire cela. Même l'arrivée tonitruante de la raie dans un poêlon comme une flamme olympique ne saurait calmer la faim et l'ire de l'assemblée. Irène, la femme de Théo, devient hystérique. À contrario, Jeanne, un brin perchée, qui en pince pour son beau-frère, affiche un flegme à toute épreuve quand son mari, William, frère de Théo, terrien et sanguin à souhait, ne comprend rien à ce tournant éditorial. C'est l'intelligible opposé au sensible, la poésie opposée à la littérature-marketing. Le miroir les renvoie tous à leurs peurs et quand, cerise sur le gâteau, des secrets de famille viennent s'immiscer dans cette tempête, alors le naufrage de la soirée est acquis. Encore que... À l'instar du cochon d'Inde qui survit, ce petit conte aura eu l'avantage de remettre les pendules à l'heure et chacun (e) à sa place.
Si l'argument est assez inattendu et rendu cocasse par une écriture très fine et des punchlines bien senties, il est surtout admirablement servi par les quatre comédiens. François Vincentelli, dont le fan-club augmente à chacune de ses pièces, doit beaucoup à sa plastique - il est vrai - parfaite mais pas que. Dans son jeu désinvolte et désabusé, il est irrésistible (son « tu n'as rien d'une crevette, tu n'en as ni la tête... ni l'odeur » fera date comme son numéro exceptionnel de jonglerie avec ses deux pectoraux. C'est l'impec aux « deux pecs » ! Caroline Anglade et Éric Laugerias sont deux boules d'émotions. Mais la vraie surprise est Jeanne Darenes qui allie le phrasé d'une Jeanne Balibar à la nonchalance d'un Sébastien Castro. Elle est lunaire et irrésistible de drôlerie. Au bout du compte (conte ?) cette pièce, apparemment légère, ne manque ni de fond ni d'intérêt. Savourez ce parcours aquatique, vous connaîtrez peut-être vous aussi l'effet miroir.
Si l'argument est assez inattendu et rendu cocasse par une écriture très fine et des punchlines bien senties, il est surtout admirablement servi par les quatre comédiens. François Vincentelli, dont le fan-club augmente à chacune de ses pièces, doit beaucoup à sa plastique - il est vrai - parfaite mais pas que. Dans son jeu désinvolte et désabusé, il est irrésistible (son « tu n'as rien d'une crevette, tu n'en as ni la tête... ni l'odeur » fera date comme son numéro exceptionnel de jonglerie avec ses deux pectoraux. C'est l'impec aux « deux pecs » ! Caroline Anglade et Éric Laugerias sont deux boules d'émotions. Mais la vraie surprise est Jeanne Darenes qui allie le phrasé d'une Jeanne Balibar à la nonchalance d'un Sébastien Castro. Elle est lunaire et irrésistible de drôlerie. Au bout du compte (conte ?) cette pièce, apparemment légère, ne manque ni de fond ni d'intérêt. Savourez ce parcours aquatique, vous connaîtrez peut-être vous aussi l'effet miroir.
Paru le 12/12/2023
(34 notes) THÉÂTRE DE L'ŒUVRE Du jeudi 12 octobre 2023 au samedi 13 janvier 2024
COMÉDIE. Théophile est un écrivain à succès sur le déclin. Il retrouve enfin son inspiration avec l’écriture d’un petit conte poétique et aquatique. Mais l’interprétation du texte par ses proches se révèle cataclysmique : ils se reconnaissent terriblement dans les personnages d’oursins, poulpes et autres c...
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