Spécial Avignon par Patrick Adler
La disparition de Josef Mengele
Au Chêne Noir
À ce moment de "bascule" historique que nous vivons, ce seul-en-scène devient indispensable. Porté par un texte puissant et un comédien majeur, le public, aimanté une heure durant, en ressort sonné, bousculé et... pas tout à fait indemne. Merci à Olivier Guez et Mikael Chirinian de nous offrir ce moment d'émotions... rarissime !
Il avance dans la salle vers le plateau. Le lieu est presque banal côté décors : quelques photos de "la bête immonde" au fond, une chaise au milieu. Il avance, sa démarche est assurée, ce qui traduit d'emblée sa solidité, sa détermination. Il a un message à délivrer, un témoignage essentiel à faire partager, il a les mots pour le dire, les faits en réserve. Le réquisitoire peut commencer. N'attendez pas de lui afféteries, théâtralité, même s'il sait varier le ton, faire gronder la colère, exprimer le dégoût. Son mantra à lui, c'est le factuel, rien que le factuel. Au nom de la mémoire.
Commence le récit de la cavale.
La cavale, si elle désigne la traque d'un homme seul, ne saurait oublier les "petites mains" tout aussi criminelles qui ont facilité ces années d'exil : il y eut la famille et les amis, bien sûr mais également les États, ces puissances nazies reconstituées au Brésil, en Argentine, en Uruguay, au Paraguay...
Comment expliquer une telle impunité, de telles facilités, autant de viatiques administratifs après avoir envoyé des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants dans des chambres à gaz, expérimenté l'impensable, sans jamais exprimer le moindre remords, sans jamais répondre de ses actes, sans jamais connaître le moindre procès. Il y a chez les monstres cette absence incroyable d'empathie. Comme l'oxymore "ange de la mort" qui lui a été attribué, comme le serment d'Hippocrate il balaie tout d'un revers de main. Rien ni personne ne semble avoir prise sur lui, pas même sa femme. Tout au plus son fils Rolf dont - narcissisme oblige - il se pense le miroir. Las !
Passé l'admiration de l'enfant face au "tonton d'Amérique", quand il va apprendre sa véritable parentèle et...l'impensable parcours criminel de son géniteur, c'est le coup de grâce. Comment se construire alors, se débarrasser des oripeaux d'un patronyme malaisant ? Rolf, devenu grand, attend des réponses. Et des réponses autres que celles - pratiques - qui feraient de Mengele le simple exécutant d'un système.
Il ne lachera rien et, ce faisant, nous interroge, nous les spectateurs-voyeurs. À chaque épisode, à chaque escale, il y a cette même incompréhension face à la lâcheté d'un homme qui n'a pas fui son pays par regret mais parce qu'il a perdu la guerre. Mengele n'aimait pas les moustiques qu'il comparait aux Juifs. Lui était un cafard, une blatte, un nuisible. Le mot est déjà faible.
Mis en scène par Benoit Giros, Mikaël Chirinian livre cette "Disparition de Josef Mengele" - qu'il a adapté de l'œuvre d'Olivier Guez - avec une sincérité mâtinée d'autorité et de sobriété, se faisant tout à la fois narrateur, témoin, personnage central, juge. Il est puissant et magnifique. En un mot : MAJEUR.
Au Chêne Noir à 18h
8 bis, rue Ste Catherine
84000 Avignon
Commence le récit de la cavale.
La cavale, si elle désigne la traque d'un homme seul, ne saurait oublier les "petites mains" tout aussi criminelles qui ont facilité ces années d'exil : il y eut la famille et les amis, bien sûr mais également les États, ces puissances nazies reconstituées au Brésil, en Argentine, en Uruguay, au Paraguay...
Comment expliquer une telle impunité, de telles facilités, autant de viatiques administratifs après avoir envoyé des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants dans des chambres à gaz, expérimenté l'impensable, sans jamais exprimer le moindre remords, sans jamais répondre de ses actes, sans jamais connaître le moindre procès. Il y a chez les monstres cette absence incroyable d'empathie. Comme l'oxymore "ange de la mort" qui lui a été attribué, comme le serment d'Hippocrate il balaie tout d'un revers de main. Rien ni personne ne semble avoir prise sur lui, pas même sa femme. Tout au plus son fils Rolf dont - narcissisme oblige - il se pense le miroir. Las !
Passé l'admiration de l'enfant face au "tonton d'Amérique", quand il va apprendre sa véritable parentèle et...l'impensable parcours criminel de son géniteur, c'est le coup de grâce. Comment se construire alors, se débarrasser des oripeaux d'un patronyme malaisant ? Rolf, devenu grand, attend des réponses. Et des réponses autres que celles - pratiques - qui feraient de Mengele le simple exécutant d'un système.
Il ne lachera rien et, ce faisant, nous interroge, nous les spectateurs-voyeurs. À chaque épisode, à chaque escale, il y a cette même incompréhension face à la lâcheté d'un homme qui n'a pas fui son pays par regret mais parce qu'il a perdu la guerre. Mengele n'aimait pas les moustiques qu'il comparait aux Juifs. Lui était un cafard, une blatte, un nuisible. Le mot est déjà faible.
Mis en scène par Benoit Giros, Mikaël Chirinian livre cette "Disparition de Josef Mengele" - qu'il a adapté de l'œuvre d'Olivier Guez - avec une sincérité mâtinée d'autorité et de sobriété, se faisant tout à la fois narrateur, témoin, personnage central, juge. Il est puissant et magnifique. En un mot : MAJEUR.
Au Chêne Noir à 18h
8 bis, rue Ste Catherine
84000 Avignon
Paru le 08/07/2024