Zoom par Antoine Fernandez
Maintenant je n'écris plus qu'en français
Au Théâtre de Belleville
Peu de pièces de théâtre peuvent déranger votre position de spectateurs : "À quoi m'engage cette place et qu'y a t'il derrière cette prétendue passivité ? Quels sont mon rôle, ma responsabilité ?" Le récit vrai de Viktor Kyrylov, l'histoire d'un soudain exil, patriotique et existentiel, pourrait vous y amener. Et c'est bouleversant.
C'est l'histoire d'un voile qui se déchire ; pas un rideau de fer, celui là est déjà tombé quelques décennies auparavant, mais celui qui enveloppait la vie du jeune Viktor, étudiant ukrainien de 20 ans au prestigieux GITIS - l'Académie russe des arts du théâtre - de Moscou, avant le 24 février 2022, quand la Russie débute l'invasion de l'Ukraine. Ce voile artificieux, c'était le fantasme de la grande Russie de Dostoïevski et de Tchekhov, la nation des grands auteurs, c'était le rêve d'un jeune comédien convaincu que l'art et les artistes peuvent changer le monde. Tout s'effondre quand cette Russie menace, envahit, détruit, tue. Où sont-elles les pensées flamboyantes de Tolstoï, de Soljenitsyne ? Quelles traces ont-elles laissées dans la doxa russe et l'esprit de son peuple ? Rien, déplore Viktor, et la guerre l'oblige à un réalisme foudroyant, écrasant, qu'il a su mettre en mots avec sobriété et intelligence.
Où se réfugier quand on ne sait plus à quoi on appartient ? Même si l'avenir sombre de l'Ukraine, où vit encore sa famille, le tourmente, lui qui se projetait plutôt russe qu'ukrainien ne se voit plus que comme un traître. Alors faudrait-il mourir pour sa mère patrie et ainsi être pardonné ? "Je ne t'ai pas fait pour que tu ailles à la guerre". Une autre mère, celle qui l'a mis au monde, l'en dissuade. Qu'importe qu'on soit en Russie, en Ukraine, qu'importe d'être un traitre, ce ne sont que des questions d'hommes de guerre et pas celles, bien plus sages et salutaires, d'une mère qui sait l'importance de la vie qu'elle a portée. "Vis" demande-t-elle à son fils.
C'est l'histoire d'un garçon qui est forcé au courage : le courage de partir, de mourir et le courage de vivre, pour finir. La force de cette pièce réside dans les questionnements existentiels qu'elle soulève ; Viktor Kyrylov expose les ombres qui l'ont traversées, ses guerres intérieures, et se met à nu avec une vulnérabilité déstabilisante, sur un plateau quasiment nu lui aussi mais chargé de tout ce que ce grand comédien (grand en taille et en talent) transporte avec lui de physique et d'immatériel.
Oui, vivre, mais pourquoi ? Que faire de ma vie et quel sens lui donner ? Quelles sont les raisons de mon existence ? Le jeune homme de 20 ans a le courage de ne pas s'effondrer face à ces questions qui, même si elles ne sont pas posées directement, transpirent de son parcours - intérieur comme géographique - et concluent son oeuvre. Quel courage de transmettre et de se dévoiler ainsi à un public qui, fatalement, ignorera tout des évènements vécus et de leurs conséquences intimes. Cette pièce impose le silence des opinions aux spectateurs qui la découvrent, elle leur demande délicatesse et humilité et ça ne peut-être que salvateur dans un monde qui en manque cruellement.
Viktor Kyrylov transmet un récit d'une profonde humanité qu'il faut vouloir voir. Alors ouvrez bien vos yeux et ne fermez pas vos coeurs !
Où se réfugier quand on ne sait plus à quoi on appartient ? Même si l'avenir sombre de l'Ukraine, où vit encore sa famille, le tourmente, lui qui se projetait plutôt russe qu'ukrainien ne se voit plus que comme un traître. Alors faudrait-il mourir pour sa mère patrie et ainsi être pardonné ? "Je ne t'ai pas fait pour que tu ailles à la guerre". Une autre mère, celle qui l'a mis au monde, l'en dissuade. Qu'importe qu'on soit en Russie, en Ukraine, qu'importe d'être un traitre, ce ne sont que des questions d'hommes de guerre et pas celles, bien plus sages et salutaires, d'une mère qui sait l'importance de la vie qu'elle a portée. "Vis" demande-t-elle à son fils.
C'est l'histoire d'un garçon qui est forcé au courage : le courage de partir, de mourir et le courage de vivre, pour finir. La force de cette pièce réside dans les questionnements existentiels qu'elle soulève ; Viktor Kyrylov expose les ombres qui l'ont traversées, ses guerres intérieures, et se met à nu avec une vulnérabilité déstabilisante, sur un plateau quasiment nu lui aussi mais chargé de tout ce que ce grand comédien (grand en taille et en talent) transporte avec lui de physique et d'immatériel.
Oui, vivre, mais pourquoi ? Que faire de ma vie et quel sens lui donner ? Quelles sont les raisons de mon existence ? Le jeune homme de 20 ans a le courage de ne pas s'effondrer face à ces questions qui, même si elles ne sont pas posées directement, transpirent de son parcours - intérieur comme géographique - et concluent son oeuvre. Quel courage de transmettre et de se dévoiler ainsi à un public qui, fatalement, ignorera tout des évènements vécus et de leurs conséquences intimes. Cette pièce impose le silence des opinions aux spectateurs qui la découvrent, elle leur demande délicatesse et humilité et ça ne peut-être que salvateur dans un monde qui en manque cruellement.
Viktor Kyrylov transmet un récit d'une profonde humanité qu'il faut vouloir voir. Alors ouvrez bien vos yeux et ne fermez pas vos coeurs !
Paru le 22/04/2025






![]() ![]() ![]() ![]() ![]() (10 notes) THÉÂTRE DE BELLEVILLE Jusqu'au dimanche 29 juin
TEXTE(S). Viktor, jeune ukrainien de 20 ans, se trouve à Moscou le 24 février 2022 lors de l’invasion russe en Ukraine. Il y vit depuis 3 ans, réalisant son rêve d’enfance : intégrer la plus prestigieuse école de théâtre russe, le GITIS. Il fait alors face aux bouleversements provoqués par la guerre : l’amo...
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