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D.R.
Zoom par Patrick Adler
La Chaleur
À la Manufacture des Abbesses.

L'adaptation - très cinématographique - du roman de Victor Jestin peut surprendre. Mais le rendu aussi sensuel que sensoriel de Muriel Brunier, metteur-en-scène, est troublant, comme ces longs silences, ce discours syncopé de Léo - le personnage principal - qui annoncent le drame et font le pendant aux hauts-parleurs du camping, au bruit des vagues et de la fête qui bat son plein, aux stridulations des cigales.
Il n'a pas son pareil pour décrire le mal-être adolescent, Victor Jestin . Et Muriel Brunier saisit comme nulle autre au théâtre le doute, la solitude, les premiers émois de l'amour, la culpabilité de cet entre-deux âges. Il y a d'abord ce rythme, lent, très lent qui illustre la chaleur étouffante, aussi pesante que la culpabilité de Léo qui, tel Meursault chez Camus, semble étranger à tout, sauf quand il s'accorde une parenthèse sensuelle avec Luce. Les "distractions Pascaliennes" du Lapin, censées offrir de manière onirique une respiration, comme les moments chorégraphiés, très poétiques, ou l'atmosphère "good vibes" du camping en bord de mer, n'ont aucune prise sur lui. Dans le trio des vacances : Léo, Luce et Oscar, il y a un absent. Ou plutôt un mort : "Oscar est mort, à 17 ans. Il est mort parce que je l'ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d'une balançoire". Ainsi parle Léo dès le début de la pièce.
La messe est dite. Le spectateur suit alors, comme aimanté, le "fait divers", le mal-être de Léo, son étrange passivité mâtinée de culpabilité, son horreur du bruit en général puisque tout devient gênant, en particulier l'incompréhension de Luce, l'angoisse de la mère et ce Lapin (double interrogatif de Léo, simple élément disruptif ?) qui forcément interroge. Dans ce trouble qui va crescendo, le travail sur les lumières de Frédéric Borja et la bande-son de Mathilde Ferry apportent poésie et distanciation.
Le jeu, finement nuancé et puissant de Arthur Beaudoire donne force à ce drame, transformé en bijou théâtral, auquel Marie Cazor et Antoine Boizeau (inoubliable Francis dans "Tom à la ferme") apportent leur talent respectif. Courez découvrir cette pépite !
Paru le 23/04/2025

(4 notes)
CHALEUR (LA)
MANUFACTURE DES ABBESSES
Jusqu'au mercredi 14 mai

THÉÂTRE CONTEMPORAIN. C’est l’histoire d’un adolescent étranger au monde qui l’entoure, un adolescent qui ne sait pas jouer le jeu, celui de la séduction, de la fête, de l’insouciance. Il s’oppose, passivement mais de toutes ses forces, à cette injonction au bonheur que déversent les hauts-parleurs du camping où il pas...

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