Interview par Philippe Escalier
Viktor Kyrylov
au Théâtre de Belleville
Dans "Maintenant je n'écris plus qu'en français" au Théâtre de Belleville Viktor Kyrylov, jeune comédien ukrainien qui finissait sa formation dans une prestigieuse école de théâtre russe en 2022, au moment de l'invasion de son pays, nous fait le récit bouleversant de son exil vers l'Europe. Au déracinement s'ajoute la découverte d'une réalité dramatique pour tout ce qui est important pour lui et le questionnement de qui il est, de ce qu'il a fait ou aurait dû faire, déchiré entre l'amour d'une mère et celle de la mère patrie. Sur scène, nous découvrons les aléas d'une vie courageuse qui a basculé en un instant et qui s'inscrit dans la longue marche chaotique de l'Histoire. Avec des mots simples, ce jeune mais déjà grand comédien, a su nous faire partager, ses interrogations et ses émotions, sa vie tout simplement. Très touché par son discours et sa prestation, nous avons voulu poursuivre ici le dialogue qu'il a si bien su engager sur scène.
Viktor, à quel moment avez-vous décidé d'écrire ce spectacle ?
Cette histoire, c'est ma vie ! Elle est tellement particulière qu'il fallait que j'en fasse quelque chose. Le déclic est venu au moment où j'étais à l'académie de la Comédie-Française et qu'Éric Ruf (qui m'a suivi tout au long de ce parcours) m'a conseillé d'en faire mon spectacle de fin d'année et d'aller voir des seuls en scène comme celui de Guillaume Gallienne. J'ai écrit ce monologue, cela m'a pris plusieurs semaines avant que je le présente à Laurent Muhleisen pour le retravailler. J'ai d'ailleurs profité de ce travail ensemble pour rajouter des passages par-ci, par-là. Une fois prêt, je l'ai répété pendant 10 jours avant de le donner dans le cadre d'une "carte blanche" pour laquelle j'ai pu inviter quelques professionnels, dont Laurent Sroussi, le directeur du théâtre de Belleville.
Quels ont été vos principaux moteurs pour écrire ce spectacle ?
Je raconte ce que j'ai vécu, tout ce que j'ai ressenti, ce qui m'a traversé et qui me traverse encore. Il fallait que je l'exprime. Il fallait que je partage cette histoire, que je dise, que je crie à ceux qui ont été autour de moi que c'est déjà un miracle, un jeu de hasard que je sois là, parmi vous. Être confronté à ce genre d'absurdité, de drame, c'est d'abord vivre avec l'idée que tout va s'arrêter. C'est être submergé par la haine des russes mais aussi par une forme de haine contre moi-même pour avoir trahi mon pays. Si je suis ici c'est parce que je n'étais pas en Ukraine au moment du déclenchement de la guerre, quand ses frontières se sont fermées. J'ai pu arriver en France en passant par la Pologne. Et je suis là, devant vous, parce que j'aime trop ma mère qui m'a interdit de rentrer : "Je suis ta mère, toi tu es mon fils et je préfère que tu te sentes mal à l'intérieur mais que tu aies tes bras et tes jambes et que tu ne traverses pas cet enfer parce que tu te sens un peu coupable. Vis !". Je n'ai pas pu aller contre sa volonté.
Et qu'est-ce qui a été difficile quand vous êtes arrivés à Paris ?
Rien n'a été difficile à Paris ! Bien sûr, le plus difficile, c'était d'accepter que la vie continue même si je suis un déraciné, sans pays, sans maison et de savoir combien mon pays souffre. Il m'a fallu alors bosser comme un malade, m'intégrer, apprendre la langue, m'imprégner d'une nouvelle culture. Les premiers temps à Paris, j'avais l'impression d'être sur une autre planète. Pour moi, tout était différent et nouveau.
J'ai pu faire une année au Conservatoire National d'Art Dramatique dans une classe internationale composée d'Ukrainiens de d'Afghans. J'ai fait le choix de ne plus parler russe ni ukrainien et de me consacrer à l'Art et au théâtre, tout simplement parce que, pour moi, c'est vital ! Sans le théâtre, ma vie n'a pas de sens !
Pourquoi ne plus parler ukrainien ?
Je ne pense pas rentrer dans mon pays et je ne sais pas comment je serais accueilli si je le faisais. Je ne serai jamais français mais j'ai choisi la France. J'ai appris la langue, j'ai été aidé et soutenu et c'est ici que je veux vivre.
Avez-vous une idée de quelle va être la suite après ce spectacle ?
Ce sera forcément un projet qui me tient à cœur et qui répond à un besoin. Peut-être ce spectacle-là aura-t-il une suite quand j'aurais pris le temps de me poser ? Ce qui s'est passé après mon arrivée en France a été tellement important, tellement riche, cela constitue une autre histoire sur laquelle je pourrais travailler. Comme beaucoup de comédiens, je n'aime pas trop l'idée d'attendre un casting, j'ai besoin de faire.
À part le théâtre, quelles sont vos passions ?
La vie me passionne, le fait d'être là et de respirer, grâce à quoi je fais toutes sortes de choses, comme de la musique, du break dance, du dessin. Si l'art en général m'intéresse, tout ce qui est autour m'intéresse. Malgré toutes les difficultés, c'est quand même beau de vivre !
Cette histoire, c'est ma vie ! Elle est tellement particulière qu'il fallait que j'en fasse quelque chose. Le déclic est venu au moment où j'étais à l'académie de la Comédie-Française et qu'Éric Ruf (qui m'a suivi tout au long de ce parcours) m'a conseillé d'en faire mon spectacle de fin d'année et d'aller voir des seuls en scène comme celui de Guillaume Gallienne. J'ai écrit ce monologue, cela m'a pris plusieurs semaines avant que je le présente à Laurent Muhleisen pour le retravailler. J'ai d'ailleurs profité de ce travail ensemble pour rajouter des passages par-ci, par-là. Une fois prêt, je l'ai répété pendant 10 jours avant de le donner dans le cadre d'une "carte blanche" pour laquelle j'ai pu inviter quelques professionnels, dont Laurent Sroussi, le directeur du théâtre de Belleville.
Quels ont été vos principaux moteurs pour écrire ce spectacle ?
Je raconte ce que j'ai vécu, tout ce que j'ai ressenti, ce qui m'a traversé et qui me traverse encore. Il fallait que je l'exprime. Il fallait que je partage cette histoire, que je dise, que je crie à ceux qui ont été autour de moi que c'est déjà un miracle, un jeu de hasard que je sois là, parmi vous. Être confronté à ce genre d'absurdité, de drame, c'est d'abord vivre avec l'idée que tout va s'arrêter. C'est être submergé par la haine des russes mais aussi par une forme de haine contre moi-même pour avoir trahi mon pays. Si je suis ici c'est parce que je n'étais pas en Ukraine au moment du déclenchement de la guerre, quand ses frontières se sont fermées. J'ai pu arriver en France en passant par la Pologne. Et je suis là, devant vous, parce que j'aime trop ma mère qui m'a interdit de rentrer : "Je suis ta mère, toi tu es mon fils et je préfère que tu te sentes mal à l'intérieur mais que tu aies tes bras et tes jambes et que tu ne traverses pas cet enfer parce que tu te sens un peu coupable. Vis !". Je n'ai pas pu aller contre sa volonté.
Et qu'est-ce qui a été difficile quand vous êtes arrivés à Paris ?
Rien n'a été difficile à Paris ! Bien sûr, le plus difficile, c'était d'accepter que la vie continue même si je suis un déraciné, sans pays, sans maison et de savoir combien mon pays souffre. Il m'a fallu alors bosser comme un malade, m'intégrer, apprendre la langue, m'imprégner d'une nouvelle culture. Les premiers temps à Paris, j'avais l'impression d'être sur une autre planète. Pour moi, tout était différent et nouveau.
J'ai pu faire une année au Conservatoire National d'Art Dramatique dans une classe internationale composée d'Ukrainiens de d'Afghans. J'ai fait le choix de ne plus parler russe ni ukrainien et de me consacrer à l'Art et au théâtre, tout simplement parce que, pour moi, c'est vital ! Sans le théâtre, ma vie n'a pas de sens !
Pourquoi ne plus parler ukrainien ?
Je ne pense pas rentrer dans mon pays et je ne sais pas comment je serais accueilli si je le faisais. Je ne serai jamais français mais j'ai choisi la France. J'ai appris la langue, j'ai été aidé et soutenu et c'est ici que je veux vivre.
Avez-vous une idée de quelle va être la suite après ce spectacle ?
Ce sera forcément un projet qui me tient à cœur et qui répond à un besoin. Peut-être ce spectacle-là aura-t-il une suite quand j'aurais pris le temps de me poser ? Ce qui s'est passé après mon arrivée en France a été tellement important, tellement riche, cela constitue une autre histoire sur laquelle je pourrais travailler. Comme beaucoup de comédiens, je n'aime pas trop l'idée d'attendre un casting, j'ai besoin de faire.
À part le théâtre, quelles sont vos passions ?
La vie me passionne, le fait d'être là et de respirer, grâce à quoi je fais toutes sortes de choses, comme de la musique, du break dance, du dessin. Si l'art en général m'intéresse, tout ce qui est autour m'intéresse. Malgré toutes les difficultés, c'est quand même beau de vivre !
Paru le 14/05/2025






![]() ![]() ![]() ![]() ![]() (39 notes) THÉÂTRE DE BELLEVILLE Jusqu'au dimanche 29 juin
TEXTE(S). Viktor, jeune ukrainien de 20 ans, se trouve à Moscou le 24 février 2022 lors de l’invasion russe en Ukraine. Il y vit depuis 3 ans, réalisant son rêve d’enfance : intégrer la plus prestigieuse école de théâtre russe, le GITIS. Il fait alors face aux bouleversements provoqués par la guerre : l’amo...
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