La salle est archi-bondée. On vient voir, parfois de loin, ce phénomène reconnaissable à son pantalon large en damier, son spencer rouge-fluo, ses boots à talons compensés et ses cheveux teints. Et ce sourire éclatant qu'il ne quittera jamais pendant le show, car il est le porte-étendard de ces invisibles qui ne sont que 0,3% de la population, qu'on appelle « queers » (dérangés ?). Avec lui, l'insulte reçue devient badge, il en a fait une force, une fierté, un repère. Lui qui a vite senti ne pas être né dans le bon corps, qui se voit mérou, né femelle puis, au mitan de sa vie, passé mâle, il en rit aujourd'hui. Il a l'ironie mordante, l'humour percutant et ce sens inné de la scène qu'il a acquis avec ses années de strip-tease. Vous le voyiez frivole, léger ? Que nenni ! Sa réflexion sur les codes de la féminité imposées par l'éducation patriarcale, sa décision de « transitionner » contre vents et marées, tout est mûrement réfléchi. D'ailleurs, « avoir été femme, puis homme permet d'avoir plus d'empathie. » (sic) Se sentir dans son corps, allant jusqu'à l'offrir au public avec les cicatrices de la mammectomie, est sa petite victoire. Et le colissimo qu'il assume d'être entre deux escales n'a pas fini de voyager car il n'y a pas de destination finale dans la transition. Dixit Lou. Le ton est badin, l'œil coquin, les punchlines fusent. Le public exulte, il a beaucoup appris. Et Lou sourit. Un ange est passé...