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© B. Buchman
Spécial Avignon par Patrick Adler
Le roi se meurt
Aux Gémeaux

Je lis, tu lis, il ... Lidon ? C'est donc une lecture nouvelle de l'œuvre mythique de Ionesco que nous propose Christophe Le Bien-aimé au Royaume des Gémeaux. Elle résonne plus que jamais au moment où la planète craque de toutes parts. La scénographie, les décors, les costumes sont de... Non, vous n'êtes plus « Au théâtre ce soir » et Caldwell et Hart sont depuis longtemps remplacés par des hommes-orchestres de la trempe du Roi Lidon. Ayant l'œil sur tout, il fait...tout ! Il habille la scène comme les acteurs, qui sont - majestueusement - à son service depuis deux décennies et contrairement à la pièce, donnent à son royaume stabilité et éclat. Si, chez ionesco, « Le Roi se meurt », aux Gémeaux, il est plus que jamais vivant, captivant, bouleversant !
En Absurdie, fief de Béranger, on ne voit pas, on ne veut pas voir, on s'accroche à des hochets comme le sceptre, la couronne, la favorite qui pleure et qui rit et, pendant ce temps-là, comme disait feu Chirac - on excusera le jeu de mots - « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». C'est ce monde de l'impermanence, du volatile, où chacun est appelé à mourir, malgré son semblant de pouvoir dont il use et abuse que pointe Lidon avec une théâtralité très esthétisante. Les ministres, garde rapprochée de Béranger sont tombés à l'eau, le peuple - ses sujets donc - sont réduits à peau de chagrin, la favorite perd son philtre d'amour, le médecin-bourreau part avant la fin. Les messages radio, comme sur une croisière, s'entrechoquent : on annonce, on corrige, tout se précipite. Le médecin, qui se pique d'expertise, annonce, du haut de sa lunette et des rapports-vidéo, l'inexorable fin, minutée de surcroit. La Reine-bis, en guide avisée, le soutient, elle joue les Cassandre et subit les foudres du Roi. Faisant fi de la réalité en mode « Le Roi se meurt ...mais ne se rend pas » alors que la fissure s'agrandit sur le mur, Béranger s'accroche désespérément. C'est un roi-marionnette terriblement humain, qui revoit toute sa vie défiler, qui se délecte à écouter ses pseudo-actes de bravoure égrenés par un pseudo-chambellan, qui se rassure dans les bras de la Reine. C'est un Roi humain avec ses fragilités, son aveuglement. Il est ridicule, pathétique et porte à rire mais quelque part, il nous ressemble, il est comme nous, banal et mortel ! La pièce résonne plus que jamais avec ces crises à répétition, pandémies, crues, séismes. Assistons-nous, comme Béranger, à la fin d'un monde ? Et si notre petit orgueil, notre vanité de petit despote et celle de nos dirigeants refusaient de voir le néant qui nous attend... ? Car malgré les pouvoirs de droit divin que semble s'octroyer Béranger, sa fin de vie est une « banale song » où l'œil se ferme, où la raison s'égare, où - ironie du sort - la Reine-bis, la mal-aimée, assure les soins palliatifs avant le passage au Rien. En desserrant le poing qui renferme son château devenu château de sable, les derniers grains du sablier de sa vie sont tombés. Sur le mur, on assiste à l'éboulement final.
Le théâtre a cette vertu de lanceur d'alerte et c'est à dessein qu'avec une scénographie, des éclairages et une bande-son - tous résolument modernes - que Christophe Lidon nous offre une vision très actuelle du « Roi se meurt ». Empreinte d'humanisme et de poésie, avec une fantasmagorie à la Tim Burton, elle est non plus centrée sur le seul Roi mais devient chorale avec, au passage une troupe au cordeau qui vibrionne autour de Béranger (que campe le touchant Vincent Lorimy). Vive Le Roi Lidon !
Paru le 14/07/2025
ROI SE MEURT (LE)
AVIGNON - GÉMEAUX
Jusqu'au dimanche 27 juillet

COMÉDIE DRAMATIQUE à partir de 12 ans. Le roi Bérenger ne veut pas le reconnaître, il va mourir.... Son royaume se dégrade et malgré l'accompagnement de ses deux reines et de son entourage, il enrage. Voici le parcours de cet homme jusqu’à la fin, de son pouvoir, de sa vie, de Tout… Cette œuvre majeure du XXème siècle, en forme de para...

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