"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme", écrivait Rabelais dans "Gargantua". Cette assertion, vieille de plus de cinq siècles, résonne plus que jamais aujourd'hui et la voir reprise par un jeune surdoué dans un policier haletant nous donne quelques espoirs. Nicolas Le Bricquir s'attaque aujourd'hui à un thriller politique dans lequel un groupe de jeunes activistes se réclamant du "Freedom Club", une organisation qui prône l'arrêt de la technologie, attente à la vie d'Elon Musk. Bad news : l'attentat est déjoué, un des jeunes trouve la mort et un otage devient la monnaie d'échange pour ceux qui restent. Ils ont trouvé refuge dans un entrepôt désaffecté et sont désormais recherchés par la police. On frissonne déjà. Pour parodier Jonasz, on fredonnerait volontiers "En v'la du glauque, en vl'la, et c'est du bon, croyez-moi...". Et, assurément, on est sur du flippant, voire de l'addictif. Si Nicolas Le Bricquir, auteur et metteur en scène, est avant tout suivi par les jeunes - mais pas que - c'est parce que son théâtre a su s'emparer des codes des séries comme Netflix (cf Denali) et qu'il sait mêler la prouesse technique aux émotions. Certes, l'histoire défendue peut paraître un brin fantaisiste mais elle devient - curieux hasard - on ne peut plus crédible et même dans l'air du temps car elle rappelle d'emblée ce clip où l'on voit Donald Trump piloter un avion qui va déverser de la matière fécale sur des manifestants. La scénographie choisie est sombre à souhait, la bande-son dans les codes du polar, le travail sur les vidéos de très haut vol et le jeu des comédiens convainquant, très rapide. On est dans l'urgence. Le public, lui, vit l'aventure en temps réel, que lui rappelle l'horloge numérique bien mise en évidence, ce qui accentue la pression... et l'angoisse. "Freedom Club" est une expérience théâtrale originale qui force aussi à réfléchir sur notre avenir. De quoi sera-t-il fait ? Où allons-nous ?

Pour l'heure, allez au théâtre Juliette Récamier découvrir ce nouvel opus d'une des gloires de la nouvelle génération d'auteurs-acteurs-metteurs en scène, de ceux qui, à l'instar de Rudy Milstein, Samuel Valensi, Alexis Michalik et quelques autres, déplacent les jeunes - et les moins jeunes - dans les salles. Une nouvelle fois, coup de chapeau à Nicolas Le Bricquir (assisté de Charlotte Lévy) et à sa talentueuse troupe !