Comment se reconstruire à 23 ans quand on perd celle qui nous a donné la vie ? Par une pédagogie des sentiments qui implique la résurgence des souvenirs - heureux ou compliqués - car ils redonnent vie à la mère, par le rire pour dépasser l'épreuve et aussi par la musique. Stéphane Corbin est musicien et son piano est son point d'appui. Alors on chante, on danse en parallèle et cela donne à l'ensemble une légèreté touchante, mâtinée de tendresse, d'autant que la complicité entre le fils et la mère est réelle et puissante dans cette histoire. Comme une évidence...
En faisant ce travail de mémoire, mis en scène avec l'élégance et la sensibilité qu'on lui connait, Virginie Lemoine a privilégié une manière de désinvolture, d'insouciance dans le jeu - on rit beaucoup - sans pour autant éclipser le propos et la gravité de la situation : la présence de la maladie qui ronge le corps de la mère avec son corollaire "chant du cygne", la rechute, les souvenirs de l'enfance difficile du fils qui s'est rapidement senti "différent", sa construction chaotique, son éveil à l'amour, son rejet des autres à cause de son homosexualité. La scénographie est réduite à l'essentiel : le grand fauteuil de la mère côté jardin (pour le spectateur) qui symbolise la stabilité et l'escabeau vide du fils côté cour qui figure son contraire. Ces deux mondes se rapprocheront à la fin, sacralisant ainsi la réciprocité inconditionnelle de leur amour.

A la finesse du texte, à la fluidité des mots, répondent de douces et tendres mélodies qui ponctuent la pièce car "les chansons sont comme des photos qui parlent" (dixit l'auteur qui avoue avoir même parlé dans ses songes à sa mère, par peur de l'oubli, pour "essayer d'être un fils" (sic). Prenant appui sur Virginie Lemoine - sœur d'art et de cœur - il nous offre avec son histoire personnelle théâtralisée une parenthèse tendre et suave, sublimée par un duo complice magistral : Valérie Zaccomer, belle, conquérante et digne, irradie le plateau et Alexandre Faitrouni, entre facéties, petites colères et moments de grande émotion, nous offre une fois encore toute la palette de son talent.
Quand la poésie se mêle à la douceur et au rire, on ne saurait passer à côté d'une telle pépite.